Parfois la symbolique est plus poignante que les émotions les plus mordantes. Placer tête de liste, pour la région arabe, un homme croupissant , depuis trois ans, dans un bagne aux confins de Doha, qui plus dans un pays verrouillé et despotique comme le Qatar, est beaucoup plus un message fort et direct qu'une désignation insolite, beaucoup plus une position de principe qu'une course au scrutin, plutôt un témoignage de solidarité qu'un choix électoral. Un grand cri de dénonciation. En élevant le symbole au rang de stratégie, El Massar a prouvé qu'il ne convoite nullement les sièges mais les valeurs humaines. En plus, le coup pourrait s'avérer salvateur pour le prisonnier. Dans l'actuel contexte politique tunisien où les coups bas rivalisent avec les frappes au dos, où la guerre fratricide supplante la discipline partisane, El Massar a donné le ton et l'exemple. Mahmoud Bouneb, journaliste tunisien et ancien dirigeant au groupe Al Jazeera, société qatarie comme par hasard, ne peut trouver meilleur soutien que ce rang de tête de liste. Dans le cas où il sera élu, et espérons qu'il le sera, non pour des raisons politiques ou idéologiques mais pour des motifs humains, est-ce le pouvoir qatari ne serait-il pas dans le tort de continuer de clouer dans ses cachots un député tunisien, censé bénéficier de l'immunité parlementaire et de la franchise politique? Timorés, dans leurs petits souliers, incapables d'élever la voix face aux nébuleux princes de Doha, Carthage, la Kasbah et Bardo n'ont rien fait de tangible pour libérer le tunisien Mahmoud Bouneb qui depuis 2011 défie ses barreaux et ses geôliers. Dans un bout d'émirat, sans constitution, sans classe politique, sans société civile, sans piliers fondateurs d'un Etat et surtout sans mémoire ni histoire. Certains pensent que Mahmoud Bouneb a mis sa plume, sa voix et son expertise au service d'Al-Jazeera, bras armé de la propagande qatari, et par conséquent, doit assumer ses choix. Ceci dit, Mahmoud Bouneb n'en est moins citoyen tunisien, et à ce titre, a droit à la protection de l'Etat et de la société. Si on suspend le sort des tunisiens à la nature de leurs boulots, on n'en sortira pas. D'aucuns estiment que El Massar utilise les malheurs de Mahmoud Bouneb dans sa campagne électorale. Point de vue discutable sur divers plan. D'abord, il est à rappeler qu'il été désigné tête de liste, ce qui n'a rien à voir avec la campagne électorale. Ensuite, il est bizarre de penser qu'El Massar est à ce point aveugle pour se tirer une balle dans le pied et sacrifier un siège rien que pour animer et crédibiliser sa campagne. Ce serait paradoxal et non moins inacceptable.
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