Quelques jours après avoir décrété l'Etat d'urgence, le gouvernement Habib Essid a décidé la construction immédiate, en tout cas avant la fin de l'année 2015, d'un mur de sable, haut de deux mètres, sur une distance de 168 kilomètres,renforcé par des tranchées infranchissables aux véhicules, sur une partie de la frontière tuniso-libyenne, véritable passoire dont la porosité n'est plus à démontrer. La décision, censée réduire sinon juguler l'infiltration des terroristes et le trafic d'armes, n'est pas passée inaperçue, elle a même défrayé la chronique et partagé les observateurs. D'abord sur le plan psychologique, dans le subconscient social, la parallèle avec le « mur de la honte » érigé par l'entité sioniste est vite trouvée. L'autre historique et non moins funeste mur, celui de Berlin, hante encore trop la mémoire collective et individuelle pour que le simple terme de « mur » ne soit pas empreint d'horreur, de déchirement et de discrimination. Ensuite, sur le plan sécuritaire, certains observateurs considèrent que l'idée de construire un mur de séparation n'est pas la solution radicale. D'une part, il pourrait être contourné par les tunnels, les voies maritimes et d'autre part, il ne s'étend pas sur l'intégralité des frontières. La plus grande partie reste ouverte. Soit environ 280 km de ligne frontalière sans défense. Un mur longeant la totalité de la frontière aurait été mieux indiqué. D'ailleurs, pourquoi en sable ? Un mur en béton aurait été plus dissuasif et mieux protecteur. Sur le plan socioéconomique, quelques voix s'élèvent pour hurler que le mur couperait la Tunisie de sa profondeur géographique et de son prolongement social. Il y en a même qui ont développé des arguments pour le moins insolites, comme quoi le mur porte préjudice aux niches de pâturage et aux zones d'élevage des chameaux dans la région. Tant qu'on y est, pourquoi pas ne pas invoquer l'atteinte à la biodiversité et à l'écosystème ?! Enfin, sur le plan politique, le mur pourrait constituer une réponse, un dispositif de lutte devant, en principe, rassurer l'opinion publique, apaiser un tant soit peu les craintes et montrer aussi et surtout l'intransigeance du gouvernement face à la nébuleuse terroriste. Dans cette occurrence, d'aucuns estiment que le mur ne serait qu'un subterfuge bassement politique.Pour certains, la Tunisie va Droit au mur Ceci dit, au-delà des critiques bruyantes et des défaillances possibles, l'idée de mur de séparation reste une alternative de poids pour barrer la route aux menaces terroristes pour peu que toute la frontière soit blindée et non seulement une portion. En effet, la Libye, où le chaos et la guerre civile règnent, où l'Etat est délité jusqu'à la désintégration pure et simple et où les gouvernements (reconnus et non reconnus) prolifèrent et rivalisent de violence et de fuite en avant, n'est plus qu'un nid de terrorisme, une source constante de menace et la terre promise des djihadistes, de leurs camps d'entrainement et de leurs officines d'endoctrinement et d'embrigadement. En désespoir de cause ou de guerre lasse ou en fin stratège, quelles qu'en soient les évaluations et les analyses, le gouvernement Habib Essid fait, en tout état de cause, un geste fort et a adressé un message tout aussi fort.Il n'y a certes pas de solution miracle mais l'idée de dresser un mur, surtout s'il est élargi à toute la bande frontalière, est en mesure de constituer un solide rempart de nature à mieux sécuriser les frontières et à déjouer les éventuelles infiltrations et attaques terroristes. Face au terrorisme, tous les dispositifs de sécurité et d'anticipation sont permis, même les plus impopulaires. Nul doute que « le risque zéro n'existe pas« , dixit le chef du gouvernement, n'importe quel dispositif de sécurité, quelles que soient son envergure et sa densité, comporte toujours des brèches, des failles dans lesquelles les terroristes pourraient s'engouffrer pour commettre leurs lâches forfaits, semer la terreur dans la population et tenter, vaille que vaille, de saper les fondements de l'Etat et de la société. En revanche, à défaut d'entièrement endiguer les risques, le mur peut toujours diminuer le niveau des menaces et le nombre d'attentats. Et ceci , le cas échéant, est une bonne riposte en soi, une victoire qui appelle d'autres.