La décision d'engager la Tunisie, de plein pied, dans la coalition internationale contre la nébuleuse terroriste Daech en Syrie ne manque ni de sel ni d'audace. Elle surprend à plus d'un titre d'autant plus qu'elle est annoncée, en grandes pompes, à l'enceinte même de l'Assemblée Générale des Nations Unies ( engagement tunisien repris même par Barack Obama dans son discours), comme pour prendre à témoin toute la communauté internationale de la volonté de la Tunisie de troquer son traditionnel habit de neutralité contre l'uniforme militaire. En termes de com, le coup est réussi, à en juger par le flot d'encre médiatique qu'il a suscité, entre partisans et opposants à ladite décision. A la haute tribune onusienne, dans un discours prononcé au nom du président de la république, Le chef du gouvernement Habib Essid a précisé que : « Nous veillerons à participer activement, dans la mesure des moyens disponibles, dans certains domaines« . Les questions sont vite posées : Quels sont les moyens dont le pays pourrait mettre à la disposition de la coalition ? Quels sont les domaines que la Tunisie entend cibler pour apporter sa contribution ?Son apport serait-il d'ordre logistique ou d'appoint ? Est-ce que la Tunisie se déploiera sur le terrain de guerre ou agira-t-il à distance ? Auquel cas comment ? Nul doute que, pour la Tunisie, la participation active, et parfois massive, dans les opérations de maintien de la paix, sous la tutelle des Nations Unies, est une tradition bien ancrée et souvent bien appréciée. Les différents contingents tunisiens en casque bleu ont acquis une belle réputation en termes de discipline, d'intégrité morale et de qualité professionnelle. Cependant,la coalition internationale contre Daech n'est pas mandatée par les Nations Unies ni sous autorité militaire onusienne. C'est donc une première dans les annales militaires et diplomatiques tunisiennes. En effet, de mémoire, jamais la Tunisie n'a pris part à ce genre de coalition ou envoyé ses soldats à telle ou telle région, dans un tel ou tel conflit, autrement que sous le parapluie des Nations Unies. Dans le même ordre d'idée,la participation tunisienne à la coalition internationale pourrait être perçue comme un changement de cap de la diplomatie nationale amenant le pays à s'inscrire dans les jeux d'alliances et d'axes, dans les enjeux et les rivalités géostratégiques. Ce tournant serait-il moins difficile à prendre suite à l'entrée en scène de la Russie ? Serait-il le résultat d'une action de pression, voire même de chantage, que les principaux partenaires de développement de la Tunisie ont exercée ? Des questions de la sorte sont légitimes, et à juste titre, dans la mesure où la coalition internationale, du moins le noyau dur, sur fond de lutte contre le désormais ennemi mondial numéro un, n'est pas claire dans ses objectifs stratégiques et semble détenir un agenda occulte dont uniquement un carré de puissances militaires et économiques connaissent la nature, à l'exclusion de tous les autres membres, y compris la derrière arrivée, à savoir la Tunisie. Sur le principe, il y a lieu de reconnaitre une suite dans les idées. Dès lors que la Tunisie a déclaré la guerre contre le terrorisme, dans toutes ses expressions et ses ramifications, participer à une campagne offensive militaire internationale contre les factions sanguinaires de Daech, qui plus coordonnée et chapeautée par la plus grande force de frappe mondiale, à savoir les Etats Unis, coule de source. Pourquoi s'en offusquer quand on sait que le fait de tordre définitivement le cou à cette secte vandale et non moins inculte, aussi ténébreuse qu'inhumaine, est de nature à saigner à blanc le terrorisme dans la région arabe, notamment sur le territoire tunisien et à couper l'herbe sous les pieds des apprentis terroristes et autres criminels masqués en quête d'occasions pour cracher leur haine, décapiter, égorger et faire des carnages et des boucheries parmi leurs coreligionnaires, au nom d'un Islam dont ils ne connaissent ni les préceptes ni les arcanes ni les dogmes. En revanche, d'aucuns s'interrogent, à juste titre, comment se fait-il qu'un pays, en l'occurrence la Tunisie, en déficit d'armements et de moyens logistiques militaires, qui n'est pas parvenue à contenir sinon à éradiquer le terrorisme sur son sol, n'en affiche pas moins sa détermination à joindre le front et la bataille et à contribuer ainsi l'effort international de guerre contre les kharijites de l'ère moderne. Ceci ne relève-t-il pas du canular !! En outre, et sur le plan strictement politique, et quand bien même les dispositions pertinentes de la Constitution qui accordent au président de la république le droit exclusif de déclarer la guerre, ne serait-il pas plus approprié, compte tenu des vents de tension et de crispation qui soufflent actuellement sur le paysage politique tunisien, de consulter les partenaires politiques nationaux et de faire en sorte que la décision de rejoindre la coalition internationale soit le fruit d'un consensus au sein de la classe politique tunisienne. Le constat n'est pas superflu d'autant plus que la Tunisie a changé de position et de fusil d'épaule en matière de politique extérieure.