Que retiendra l'histoire du passage d'un certain Saïd Aïdi par le ministère de la santé ? Que retiendront les annales de la santé en Tunisie de ce passage ? Ils retiendront, certainement, le nom d'Aref Azizi. Ils retiendront qu'il était une fois un médecin du nom d'Aref Azizi, qui se battait à main nues contre la maladie et la mort à Sidi Bouzid. Un médecin qui militait au fin fond de Sidi Bouzid pour soulager ses concitoyens et leur donner un espoir de bien être, vu qu'il ne pouvait leur donner plus, par manque de moyens et par manque de soutien de la part d'un ministère de tutelle qui ne semble aucunement préoccupé de la santé des gens de Sidi Bouzid. A témoin, les remarques qui avaient été faites quelques semaines auparavant, au ministre de la santé par le chef du gouvernement lors de leur visite à la région. L'histoire retiendra qu'Aref Azizi, ce médecin militant, dévoué à sa cause, en avait gros comme çà sur le cœur, et qu'il était empressé de rencontrer son ministre pour lui déballer ce qui lui pesait sur le cœur. Il voulait lui dire sa colère de la situation et des conditions dans les quelles il travaillait. Il voulait lui dire son désespoir de ne pouvoir rendre de vrais services de santé à ses concitoyens faute de moyens. Il voulait aussi, lui dire qu'il faisait des gardes par conviction et par solidarité, à la place de ses confrères qui en avaient, eux aussi, marre de leur situation, qu'il était, en principe affecté au SMUR de la région. Il voulait lui énumérer les problèmes aux quels il est obligé de faire face dans l'exercice de sa noble mission. Il espérait, peut-être, aussi, quelque part, que le ministre le remercie et le félicite pour son dévouement, et pour sa franchise. Il espérait, peut-être pouvoir lui éclaircir mieux que ses conseillers, la réalité de la situation à Sidi Bouzid, avec l'espoir de lui proposer des solutions pratiques. Il ne s'attendait point à être traité comme un moins que rien, comme un vulgaire larbin. Il ne s'attendait, surtout, pas à ce qu'il soit suspendu de ses fonctions séance tenante, par ce ministre qui ne savait pas que ce faisant, il laissait le service des urgences de la ville et de la région, sans médecin de garde. Il faut dire que le Dr Aref Azizi ne pouvait pas savoir qu'il allait avoir affaire à un ministre sur les dents, aux abois, avec les nerfs à fleur de peau, parce qu'il n'avait pas pu gérer comme il le fallait son ministère et parce que par sa faute et ses défaillances, des hommes et des femmes étaient en train de mourir un peu partout dans le pays, alors que les brillantissimes conseillers dont il s'est entouré dans son bureau sont incapables de répondre à cette situation ni à n'importe quelle autre situation d'urgence, d'ailleurs. Voilà ce que retiendra l'histoire. Comme elle retiendra qu'à la suite de la suspension de ce médecin militant, un homme allait trouver la mort à Sidi Bouzid, car il n'a pas trouvé de médecin pour le prendre en charge avec une ambulance médicalisée. L'histoire ne retiendra, certainement pas, qu'un jour de décembre en 2015, Saïd Aïdi, alors ministre de la santé, qui était attaqué de tous les côtés, pour son incapacité à gérer les problèmes de la santé dans son pays, et qu'à cause de cette gestion aléatoire, des femmes venaient de mourir à Tataouine par manque de médecins. L'histoire ne retiendra pas, non plus, que ce jour là, il avait bien envie de ne pas y aller à cette sacrée ville de Sidi Bouzid, si ce n'était les ordres stricts de son chef du gouvernement pour qu'il s'en occupe un peu plus sérieusement. L'histoire ne retiendra pas qu'il avait la tête ailleurs, alors qu'il était en visite à Sidi Bouzid, probablement pour suivre les innombrables interventions de sa conseillère sur les radios pour essayer de lui sauver la mise à cause de la situation explosive à Tataouine, d'autant plus que cette conseillère a eu, justement, une réaction de colère en direct sur les ondes d'une radio, suite aux accusation qui étaient adressées à son boss. L'histoire ne retiendra pas que c'est à cause de tout çà, que le ministre a déchargé sa hargne sur le pauvre médecin qui se dressait devant lui et qui croyait bien faire en attirant son attention sur ce qui ne marchait pas. Par contre, l'histoire retiendra que suite à cette visite, le ministre annonça, rassurant, que le chef du gouvernement a pris une décision « révolutionnaire » pour remédier à cette déplorable situation dans la santé, qui est celle d'interdire à toute équipe de soins de quitter son poste avant la prise de fonction de la suivante et avant d'avoir effectué la passation du service. En faisant cette annonce, Saïd Aïdi semble ignorer qu'il ne s'agit point d'une nouveauté ni d'une décision révolutionnaire, mais qu'il s'agit d'une des règles de base de tout travail posté, qui s'effectue par roulement de plusieurs équipes sur les 24 heures. Et il a, aussi, omis de dire que cette recommandation lui a été rappelée par Habib Essid, probablement, à la suite du coup de colère du ministre qui a renvoyé le médecin responsable des urgences sans attendre la relève, et ce qui s'en suivit comme conséquences sur la marche du service.