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Au cœur de Sidi Bouzid
Publié dans Le Temps le 25 - 12 - 2010

Chômage, précarité, sentiment de marginalisation. Les jeunes parlent
« Nous avons confiance en l'Etat, pas en les individus »
De notre envoyée Hajer Ajroudi - Il y a une semaine, le jeune Mohamed Abou Azizi, diplômé universitaire s'est immolé par le feu. Au chômage, il faisait le marchand ambulant. A la suite d'un problème d'ordre administratif, ses nerfs lâchèrent. Il tenta de se suicider en s'immolant par le feu, mais fut sauvé à temps. Acte isolé ? Sans doute. Mais dans ce genre de situation, il y a comme un effet d'entraînement. C'est la grogne.
Les problèmes existentiels des jeunes remontent à la surface. Et pour mettre le feu aux poudres voilà qu'un autre jeune avait perdu la maîtrise de soi, et, connu pour ses écarts de conduite (d'après ses concitoyens) escalade un poteau électrique. Il est électrocuté et le malheureux y perd la vie. Sidi Bouzid est en pleine convulsion. Instrumentalisation, réactions épidermiques, revendications légitimes, tout y est. Encore une fois, manœuvrant avec dextérité et sens du patriotisme, les forces de l'ordre agissent et rétablissent l'ordre, sans heurts et sans casse. Du moins, pas comme certains médias étrangers veulent le faire croire.
Hier soir, nous entrâmes dans une ville qui paraissait s'être assagie.
Il commençait déjà à faire nuit, et, hommes, femmes et enfants, rentraient chez eux après une journée « normale » de travail. Quelques ambulances passaient pourtant, déchirant le silence dans le retentissement des sirènes ; on transportait les gens de Meknassi, une autre ville du gouvernorat à l'hôpital de Sidi Bouzid. Dans cette contrée également il y avait du grabuge...
Nous nous sommes dirigés vers une cafétéria et ayant deviné que nous étions journalistes, une vingtaine de jeunes se sont rassemblés autour de nous. « Nous voulons parler, nous voulons dire ce dont nous souffrons », disaient-ils.
Anis, 25 ans : « On n'a pas le droit de rencontrer les responsables »
« Notre problème ici est qu'on n'a pas le droit de rencontrer les responsables, ou alors il faut glisser quelque chose pour le faire !!
J'ai un diplôme en électricité depuis 2001 et pourtant je suis au chômage depuis des années. J'ai demandé un prêt BTS, la réponse fut que je n'y avais pas droit, puisque mon frère en a obtenu un. J'ai essayé de rencontrer l'ancien gouverneur, et on m'en a empêché. Très vite, je me suis trouvé en état d'arrestation... J'ai dû passer trois mois en prison. On est sept garçons et trois filles dans la famille. Ma sœur a une maîtrise en physique, obtenue en 2008 et elle est au chômage. Mon autre sœur travaille depuis 17 ans maintenant et n'est toujours pas titulaire. Mes deux plus jeunes frères sont handicapés et ne peuvent pas travailler. Et ma troisième sœur a été licenciée après 11 ans passés au sein d'une entreprise ayant déclaré finalement faillite. Evidement, elle n'a pas reçu d'indemnité. »
Durant tout le temps qu'Anis parlait, d'autres l'interrompaient. Chacun voulait raconter son histoire et toutes les histoires se ressemblaient : diplôme en poche et chômage au bout du chemin !
Selim, 25 ans : « Dites-nous où et comment travailler ? »
« J'ai poursuivi une formation en informatique et je suis au chômage depuis trois ans. Il n'y a pas de possibilité de travail ou alors il faut être « le fils d'untel », sinon avoir les moyens « de payer le poste »... Très vite un autre jeune, technicien supérieur en informatique industrielle et âgé de 27 ans, lui coupa la parole : « J'ai passé des années à Sousse à travailler comme maçon en parallèle de mes études pour pouvoir les payer et me voilà au chômage depuis deux ans. J'ai essayé d'obtenir un prêt et on me l'a refusé car je n'avais rien à hypothéquer ni de personne me cautionnant. Non seulement nos jeunes hommes ne trouvent pas d'emploi, mais nos jeunes filles ont subi « un chantage » de la part de certains anciens responsables lors de leurs requêtes d'emploi. Quelques uns leur ont demandé certains services...
D'ailleurs bien des responsables ont tellement œuvré pour leur propre intérêt et l'intérêt de leurs proches que ces derniers vendaient même les tickets de grands matchs au marché noir !
Un autre jeune se joint aussitôt à la conversation s'écriant : « On est « méprisé » et même notre hôpital souffre d'un laisser-aller et d'un manque de propreté. Mon oncle a été hospitalisé et j'ai dû lui apporter moi-même la couverture, car il n'y en avait pas !! ». Le ministre de la Santé publique, intéressé par la situation et voulant améliorer les choses, a rendu visite à l'hôpital. Nous avons vu le personnel le nettoyer à l'occasion, et depuis…
M. Ahmed, un homme d'âge mûr s'est alors mêlé à cet instant à la discussion afin de résumer la situation:
« Les jeunes ici se trouvent en grand nombre au chômage et se sentent marginalisés, voire méprisés et humiliés. Le problème réside dans le fait que les responsables ayant été nommés ici et qui ont vidé les ressources du gouvernorat, se sont « servis » et ont toujours refusé d'écouter ces jeunes. Le nouveau gouverneur, armé de bonne foi et voulant vraiment faire quelque chose, a besoin de temps. Or ces jeunes ont déjà perdu confiance en l'administration. Cette dernière a fini par perdre toute crédibilité. L'incident du jeune Mohamed, n'est que la goutte ayant fait déborder le vase. »
M. Mourad Jlili, homme d'affaires
« Ce qui s'est passé est une accumulation durant les cinq dernières années car on n'a pas de zone industrielle. Du coup, les investisseurs tunisiens ou étrangers ne trouvent pas d'emplacement pour leur investissement ici, notre région manque aussi d'infrastructures et de bureaux. Le taux de chômage est élevé comparé aux régions voisines. Il existe également un trafic des terres agricoles qui sont vendues à l'insu de leurs propriétaires, notamment à Rgab. Les subventions pour investissement sont seulement de 15% dans notre gouvernorat, alors que dans d'autres régions elles sont de 25%. Il n'y a pas eu de développement pendant cinq ans. Aucun nouveau projet n'a été lancé.»
Leurs exigences ? Des usines et des entreprises étatiques pour leur créer des postes d'emploi. Pourquoi pas privés, puisque cela élargit le marché du travail et les opportunités d'emploi? Car le public ne vole personne et le privé se remplit les poches. Et puis, il faut avoir des pistons pour intégrer les projets privés.
Ainsi, les jeunes de Sidi Bouzid continuent de faire confiance à l'Etat, même si leur confiance dans les individus s'est effondrée. Ils placent tous leurs espoirs dans le secteur étatique ...
Le ministre de l'Intérieur et du Développement local a d'ailleurs visité la région et un budget lui sera consacré. Des projets seront lancés afin de créer des postes d'emploi.
Ainsi se sont exprimés librement les jeunes que nous avons interviewés. Nous disons bien librement car il n'y avait guère de rétention à la parole. Ils étaient libres de parler. Et nous pouvions faire d'autant plus facilement notre travail que la ville était sécurisée. Dans les rues de Sidi Bouzid on ressent comme un optimisme… Les mesures annoncées avaient fait leur effet. Les jeunes et les citoyens de Sidi Bouzid accueillent en effet avec soulagement et confiance ce train de mesures socio-économiques.
Mais ce qui est certain c'est qu'ils n'ont confiance qu'en l'Etat. C'est sans doute trop injuste vis-à-vis du secteur privé.
Mais la colère est toujours mauvaise conseillère. Demain, il fera jour…


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