Il faut croire que BCE ne pouvait pas, un instant, s'attendre à la tournure qu'ont prise les évènements suite à l'annonce de sa fameuse initiative de « gouvernement d'union nationale ». En effet, il ne pouvait, probablement, pas se douter qu'il allait rencontrer cette « résistance » de la part de Habib Essid, chez lequel il ne pouvait suspecter autant d'audace et de ténacité. En fait, la fin de non recevoir de Habib Essid à l'initiative de BCE, telle que comprise par tout le monde, c'est-à-dire dans sa version avec éviction du chef du gouvernement actuel, a mis BCE dans un joli pétrin. Il a beau se démener depuis les premières ruades d'Essid dans les brancards... il ne trouve, décidément, pas le chemin de la sortie de l'impasse dans laquelle il s'est embourbé de son propre gré. En effet, les faits se présentent comme suit : Devant le refus de Habib Essid de démissionner, il ne reste guère d'autre alternative, pour le déloger de La Kasbah, que de passer par le vote d'une motion de censure à l'ARP. Cette motion pouvant soit être proposée par un certain nombre de députés, ce qui n'est pas évident, car rien n'est moins sur que de pouvoir collecter le nombre suffisant de signataires d'une telle pétition, ou alors, proposée par le président de la république en personne, comme le lui permet la constitution, et ce deuxième cas de figure n'est pas, non plus, évident, car BCE risquerait gros en jetant ses dés dans cette partie. En effet, la partie s'annonce plus risquée, pour BCE, qu'il ne l'escomptait, au moment de lancer son initiative. Car si sa motion de censure échoue à déboulonner Essid, il va se retrouver dans une position très « désagréable » ; Il devra, soit faire marche arrière, et dans ce cas c'est son prestige et son estime qui vont prendre un sacré coup, soit, alors, s'entêter à vouloir la tête de son chef de gouvernement, et présenter une deuxième (et dernière) motion. Et si cette dernière n'aboutit pas non plus, il risque de se voir dans l'obligation (constitutionnelle) de démissionner, lui-même. Quant aux raisons qui lui font craindre, à lui et à tant d'autres, l'échec du vote d'une motion de censure à l'ARP, elles sont aussi évidentes que simples. Il s'agit du réveil de l'appétit gargantuesque d'Ennahdha, exprimé par son tout nouveau président du conseil de la Choura, le redoutable Abdelkarim Harouni, qui a annoncé que pour le prochain gouvernement, il sera hors de question pour son parti de se contenter de miettes. Et l'intention d'Ennahdha est claire là dessus. Ce qu'elle veut, ce n'est, ni plus ni moins, que trois ministères régaliens, et pas n'importe lesquels. Ils exigent les portefeuilles de l'intérieur, de la justice et de la défense nationale. Avec ce qu'on peut imaginer comme conséquences de cette main mise des islamistes sur ces trois départements, en cette période de guerre contre le terrorisme. Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier qu'une fois Habib Essid écarté, BCE devant demander au parti majoritaire à l'ARP de proposer le nouveau chef de gouvernement, il va s'adresser, de facto, à Ennahdha... Donc, en résumé, BCE va évincer Habib essid avec tout ce qu'on voudra lui reprocher, et livrer le pays, sur un plateau aux islamistes d'Ennahdha, sachant qu'il avait été élu, tout comme son parti, il y a de cela quelques mois, justement pour dégager Ennahdha du pouvoir. Sachant tout cela, BCE suppose bien qu'on ne va pas se bousculer sous la coupole du Bardo pour voter favorablement son initiative. Et cela pour deux raisons : D'abord il ne va pas avoir grand-chose à promettre aux partis qui vont négocier leurs voix, car c'est Ennahdha qui va rafler la mise, question portefeuilles ministériels. Mais aussi, parce que les formations politiques sur la scène comprennent bien les enjeux de cette situation et comprennent, surtout, que ceux qui vont voter pour la motion de censure seront coupables d'avoir livré le pays aux islamistes. Et dans cette optique, on se doute bien qu'ils ne soient pas nombreux à vouloir oser s'afficher en tant que tels. Décidément, c'est une sacrée impasse dans la quelle s'est fourré BCE et il est à gager qu'il n'en sortira pas de sitôt. Et pas aussi reluisant qu'il ne l'a jamais été. A moins qu'il ne mette un bémol à ses « projets » et qu'il ne fasse un petit pas en arrière, en cherchant la sortie dans le maintien de Habib Essid et moyennant un remaniement ministériel plus ou moins large. Et encore! Car, même, dans cette optique, les répercussions de tous ce remue ménage seront incalculables, aussi bien pour son image de marque, comme pour celle de son gouvernement et ses ministres, qui auront beaucoup de mal à se réapproprier un brin de notoriété, sans parler de la situation critique, notamment économique, surtout quand on constate que par un « hasard bizarre », le Dinar ne cesse de plonger depuis justement, la déclaration de BCE la veille de Ramadan. En bref, il est à craindre que la Tunisie ne soit entrée, à cause de tout ceci, dans une période trouble et sans visibilité.