Mustapha Kamel Nabli, en sa qualité d'expert en finances, a été parmi les premiers sollicités par la presse pour réagir au discours prononcé par Youssef Chahed ce vendredi devant l'ARP pendant la séance de vote de confiance pour son équipe gouvernementale, vu que ce discours s'est principalement, concentré sur la description de la situation économique, désastreuse, du pays. Invité au micro de Mosaïque FM, MKN n'a pas caché son étonnement et sa prosternation devant les chiffres faramineux du gouffre financier dans lequel se retrouve la Tunisie. Si, pour commencer, MKN a tenu à féliciter Chahed pour sa « dose de franchise », pour avoir osé dresser ce tableau tragique des finances tunisiennes, il n'en a pas moins émis quelques remarques, de sa position d'expert mondialement reconnu, quant à la gestion de cette situation, et sa présentation au grand public, ainsi qu'en rapport avec les mesures annoncées pour y faire face. Cette intervention radiodiffusée à une heure de grande écoute n'est pas passée inaperçue, et a été perçue comme un cinglant « peut mieux faire » de la part du pro au « novice ». Pour commencer, MKN a déclaré que les « confidences » de Chahed sont choquantes, en espérant, a-t-il remarqué, qu'elles puissent avoir l'effet escompté dans le sens de créer un choc positif chez la classe politique et les interpeller pour qu'ils accordent l'importance nécessaire à la correction de cette situation, ce qui ne semble pas être le cas, pour le moment, du moins. Choquantes, mais insuffisantes et par trop superficielles de la part d'un chef du gouvernement. Et dans ce sens il réitère son appel à un audit plus approfondi de la situation réelles des finances du pays, avec la recherches des causes de cette dérive, seule condition, à ses yeux de pouvoir espérer y remédier. Pour ce faire, MKN appelle Chahed à charger une commission indépendante de cet audit pour qu'on puisse avoir une bonne évaluation de la situation réelle des finances publiques. Ensuite, MKN a déploré que les mesures que Chahed a promis d'entreprendre pour faire face à cette situation financière dramatique, sont très en deçà des attentes au vu de la gravité des faits et des chiffres. Car à un diagnostic, déjà, insuffisant, Chahed a opposé des solutions qui, selon MKN, sont insuffisamment élaborées, pour quelqu'un qui se veut chef de gouvernement de crise. Ainsi ce qu'a annoncé Chahed comme mesures de prise en main des finances du pays, comme la promotion des exportations, l'attraction des investisseurs, l'amélioration du système fiscal, l'application de l'équité de la fiscalité, la lutte contre la fraude fiscale... toutes ces mesures ne sont que des déclaration de principes généraux, mais que sur le plan pratique elles sont très loin de pouvoir apporter des solutions au court terme. Ce qui représente la priorité des priorités du moment. Par ailleurs, et en pratique, MKN déplore que le cadre de la mise en pratique de ces mesures annoncées reste fragile, puisque le gouvernement n'est aucunement assuré d'un soutien politique sans faille, et qu'il ne représente, à la rigueur, pas la composition de l'ARP, ce qui se contredit avec l'essence d'un système politique parlementaire. Il se demande, à ce propos ; comment un parti gagnant aux élections, doc appelé à gouverner, peut-il le faire avec seulement, quatre ministres sur un total de 26 que compte le gouvernement ? Ce qui est témoin d'une volonté de la présidence de la République de faire dévier, en douce, le système choisi vers un système présidentiel. Ce système hybride sera de nature à approfondir la crise politique dans le pays, et par là, empêcher toute tentative de reprise économique. Par ailleurs, et pour rester sur le registre des tiraillements politiques, MKN redoute que la composition « hétéroclite » du gouvernement ne constitue un handicap à l'application des mesures économiques, faute de cohésion gouvernementale, comme cela s'est déjà manifesté pour le gouvernement Essid qui comptait quatre partis, que dire alors, pour un gouvernement qui en compte six, en plus des « indépendants » ? Le fond du problème selon MKN, est que la démarche de la création de ce gouvernement a été fausse, et inversée, dés le départ de l'initiative de BCE. Il aurait mieux valu, a-t-il dit, commencer par l'identification des problèmes et des défis, pour, ensuite choisir l'équipe apte à les affronter. Mais maintenant nous nous trouvons face à un gouvernement appelé à respecter le « document de Carthage » qui, en soi, ne représente nullement un programme d'action gouvernemental. De même que la cohésion et la solidarité de cette équipe gouvernementale hétéroclite, va poser problème pour le choix des actions et leur mise en pratique. Au final, le verdict, ou la note du pro à la prestation du novice, et pas seulement, puisque la plupart des reproches de MKN sont plutôt, adressés à l'auteur de l'initiative même qui a abouti à l'investiture de Chahed, en l'occurrence, Caied Essebsi, la note était claquante, bien que certainement, assez complaisante : « Insuffisant... Peut mieux faire » !