Depuis sa fondation, le Front Populaire (FP) a élevé le terme « Non » au rang de stratégie politique. A en croire que sans la négation à tout-va, il n'a pas de programme. On aurait dit qu'il ne peut évoluer et respirer que dans l'hostilité et la rivalité. Immuable opposant, le FP, beaucoup plus figé dans l'idéologique qu'opérant dans le politique, verse parfois dans le grotesque. Il n'aime ni dialoguer ni gouverner, tout juste tirer à boulets rouges sur tout et sur rien. Il manie mieux le bois vert, contre ses adversaires, et la langue de bois, à l'adresse de ses partisans. Cette posture d'éternel insatisfait altère l'image du FP, ou ce qui en reste, aux yeux de l'opinion publique tunisienne. Il est perçu comme un groupement introverti, fermée et rigide, dont la ligne est prise en otage par un noyau dur de pontes, d'une minorité de blocage en son sein. Jusqu'ici, le FP n'a pas opéré sa mue vers un parti politique et reste coincé dans ses méandres idéologiques. Il n'a jamais été dans une logique de participation, il ne semble pas concerné par le pouvoir, alors que la raison d'être même et la visée ultime de tout parti politique. A se demander de quel bois il se chauffe et dans quel objectif évolue-t-il sur la scène politique nationale ? Outre les reproches externes, le FP fait l'objet, en interne, de plus en plus de dissension, confinant à la dissidence. La dernière sortie fracassante de Mongi Rahoui en dit long sur le malaise secouant le FP. Comment comprendre ses déclarations critiques, plutôt autocritiques, concernant la stratégie, le positionnement et la vision politique du FP, sans compter l'absence de démocratie interne. MongiRahoui a indiqué qu'il est temps que le FP procède aux élections de ses structures centrales et régionales d'une manière démocratique et transparente, révise sa vision politique et brise cette image de formation politique toujours en posture de "rejet catégorique et permanent" et d'opposition constante et irréductible. Une perception qui lui colle à la peau et handicape sa quête d'élargir son électorat et sa base populaire. Ne pas oublier que le même Mongi Rahoui, à contrepied de la ligne préconisée par le FP de refuser toute concertation sur le Pacte de Carthage et sur la composition de la nouvelle équipe gouvernementale, a fait cavalier seul en acceptant de s'entretenir avec le nouveau chef du gouvernement Youssef Chahed, lequel lui a proposé un portefeuille ministériel. Même Zied Ladhari, son Secrétaire Général au parti WATAD, a couvert, à demi-mots, l'attitude que d'aucuns a estimée d'indiscipline, de son camarade. Mohamed Jmour, autre leader, Secrétaire Général Adjoint du parti WATAD, a certes fustigé l'initiative personnelle de Mongi Rahoui de répondre à l'invitation de Youssef Chahed, étant à rebord de la position exprimée par le FP, mais d'un autre côte, a apporté de l'eau à son moulin au sujet de l'impératif d'ouverture et de flexibilité du FP. Pour Mohamed Jmour, le FP a besoin de revoir sa copie, d'améliorer son rendement et son assise structurelle, de rehausser son discours politique en vue d'être plus proche des tunisiens. Son parti WATAD, co-fondateur et pilier du FP, a-t-il ajouté, œuvrera, de l'intérieur, à parfaire l'organisation et le positionnement politique du FP. La volonté de passer outre les positions du FP et de tenir un langage moins rigide et plus ouvert par certains leaders du parti WATAD,sans compter les franches critiques à son endroit, serait de nature à laisser penser que ce dernier serait en train de se démarquer et de prendre ses distances par rapport au FP et à sa ligne dure. Comme quoi, le craquement interne bruit et remonte à la surface.