La Tunisie traverse une phase difficile marquée par une mauvaise conjoncture économique avec notamment la raréfaction de ressources, le recul de l'investissement, la hausse de l'inflation et la chute du dinar, a reconnu l'expert financier Moez Joudi. Avec la polémique suscitée par les déclarations de la ministre des finances Lamia Zribi qui ont plongé le dinars et les interrogations de citoyens , Moez Joudi explique dans un entretien accordé mardi 25 avril 2017 avec Tunisienumérique, les ressorts du taux de change du dinar et met en garde contre l'entrée dans le régime de flottement total du dinar. Décalage entre les taux de change des Banques Depuis plus 10 ans la Tunisie n'a plus un système de change stable ou ce qu'on appelle le régime de taux fixe mais applique un régime semi flottant c'est-à-dire qu'il existe un marché de change qui contrôle le taux de change, a affirmé Moez Joudi. Il a indiqué qu'il y a d'abord, il y a la Banque centrale de Tunisie (BCT) qui détermine un taux de change quotidien référentiel change du dinar en comparaison avec un panier de monnaies étrangère que la Tunisie utilise tel le dollar, l'euro, le yen et dernièrement le yuan chinois. C'est avec ce prix référentiel que démarre le journée de change du dinar, a-t-il précisé, affirmant qu' ensuite , ce sont les banques comme la BTK, la STB , Attijari et autres qui commencent à affiner leur prix de taux de change en fonction de leurs transaction dans leurs salles de change conformément à l'offre et à la demande du marché car la BCT n'intervient plus. Cela devient comme la bourse, a-t-il signalé, précisant que si le dinar reçoit une forte demande son taux grimpe et vice-versa. C'est pourquoi, selon lui, le dinar reflète la situation économique du pays. Si l'économie est en forme le dinar sera fort car il bénéficiera d'une forte demande et s'il est en baisse, cela se reflétera sur le taux de change du dinar, a précisé Joudi. Les différences de taux de change dans les différentes banques reflètent la différence de leurs transactions, tels que les contrats à court terme, les commandes ect…, a-t-il dit, précisant que c'est ce qui explique le décalage entre les taux de change entre les banques et aussi entre les banques et les bureaux de change auprès desquels les citoyens effectuent leur change. Il a donné l'exemple du taux de change de l'euro qui atteint dans les bureaux de change 2.56 dinars alors que dans les banques, il s'établit à 2,75 dinars, expliquant que les salles des banques prennent en compte le long et moyen terme alors que les guichets des bureaux de change se contentent de prendre leur marge de bénéficie. Selon lui, la seule alternative pour la BCT d'influer sur le taux de change est d'intervenir en achetant le dinar avec les devises pour faire remonter son taux. Mais cela n'est plus possible, selon Joudi qui précise que les réserves en devises du pays ne sont plus conséquentes en plus, pas tourisme, pas d'investissements, pas d'exportation, et baisse de transfert de l'étranger donc les réserves de la BCT ont baissé. Actuellement, les réserves de la BCT sont formées par les prêts de l'étranger qui ont eux-mêmes diminué, a-t-il dit, ajoutant que c'est le cas pour le FMI dont la deuxième tranche de prêt devait être versée en décembre 2016 et qui a accusé un retard. La Banque centrale priée de ne plus intervenir Moez Joudi affirme également que la marge d'intervention de la BCT a diminué d'autant plus que dans leur rapport des experts du FM qui étaient en Tunisie dernièrement, ont demandé explicitement à la BCT de ne plus intervenir pour ajuster le taux de change du dinar et de le laisser afin de refléter sa valeur réelle. Il a affirmé que le taux de change avant la dernière dégringolade du dinar ne reflétait pas le taux de change réel du dinar car il était supporté par les interventions de la BCT. C'est pourquoi, selon lui, les experts du FMI ont recommandé à laisser le dinar subir la loi de l'offre et de la demande du marché pour avoir une idée réelle de l'état de l'économie du pays afin d'agir en conséquence. Cela fait partie des conditions imposées par le FMI pour octroyer les prêts. Il a précisé aussi que les dispositions internes de la BCT lui imposent de ne plus intervenir dans l'ajustement du taux de change du dinar et de le laisser flotter en fonction du marché. Déclarations "irresponsables" Joudi a souligné que les déclarations de la ministre des Finances dernièrement qu'il a qualifiées «d'irresponsables», ont contribué à semer la panique sur le marché et à des comportements spéculatifs suite à ces informations qui ont entraîné la chute du dinar. Il a indiqué que des experts peuvent prédire la chute du dinar mais leurs déclarations, resteront toujours du domaine de l'analyse et de l'hypothèse mais qu'un responsable officiel annonce la prochaine chute du dinar et donne des chiffres de 2,8 et 3 contre un euro, cela est irresponsable. Pour Joudi , les déclarations de la ministre ont poussé les opérateurs à se ruer sur le marché de change pour acheter les devises avant que le dinar ne dégringole davantage. C'est pourquoi il ya cette course effrénée pour acquérir les devises notamment pour les importateurs des produits qui ont aussitôt passé leurs commandes avant que les produits ne deviennent chers, a-t-il signalé. Concernant le flottement comme système adopté par l'Egypte récemment, il a indiqué qu'il existe une différence avec l'Egypte dont le taux de change de la livre était aligné au dollar américain alors qu'en Tunisie, il ya longtemps que le dinar est «libre» et qu'il est échangé contre diverses devises. «Nous avons une longueur d'avance sur l'Egypte car l'opération de flottement qu'ils ont faite actuellement nous l'avons faite il y a longtemps », a-t-il dit avec quelques différences. Le taux de change du dinar est fixé sur le marché en fonction des transactions et des changes en comparaison avec les autres monnaies, a-t-il souligné. Il a précisé que la Tunisie n'est pas liée à une seule monnaie et nous sommes dans un régime semi flottant car le régime flottant exige que la Banque centrale n'intervienne plus, que le change devienne libre et que le dinar soit convertible comme une devise et s'échanger contre les autres devises. «Mais en Tunisie nous n'avons pas encore atteint ce stade. Nous sommes à la première étape où le dinar est semi flottant », a-t-il précisé, indiquant que la seconde étape sera que la Banque centrale n'intervienne plus dans le taux de change et la troisième étape le dinar devient convertible et libre. Il a mis en garde contre cette dernière étape à ce stade, estimant que l'état de l'économie actuelle du pays ne le permet, car cela ne fera qu'aggraver la déconfiture de l'économie qui a déjà commencé à pâtir en raison de cette dernière chute vertigineuse du dinar. En effet, cela accentuera l'inflation et gonflera le volume de la dette extérieure, l'augmentation du coût de la production pour les sociétés et entraînera des faillites dans certaines entreprises notamment celles qui importent les matières premières lorsque le taux atteindra 2,8 et plus pour un euro, a-t-il prédit. Déclaration de Moez Joudi, expert financier Votre navigateur ne prend pas en charge l'élément audio.