L'annulation de l'audience prévue mardi 20 juin 2017, entre le roi Mohamed VI du Maroc et le chef du gouvernement tunisien, Youssef Chahed qui devrait servir de point culminant des réunions de la 19 session de la commission mixte tuniso-marocaine de coopération, a jeté de l'ombre sur le succès de cette visite censé donner un nouveau départ à la coopération bilatérale. En effet, si l'office royal marocain a justifié cette annulation par le fait que le souverain marocain a été pris d'un malaise, une source à la présidence du gouvernement à Tunis a affirmé à Tunisienumérique, sous couvert de l'anonymat, que cette annulation est liée à une divergence sur la question du Sahara occidental. Lors de la signature du procès -verbal des travaux de la commission mixte tuniso-marocaine, Youssef Chahed a demandé le retrait d'un paragraphe relatif à la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, a indiqué cette même source. Devant l'instance du chef du gouvernement pour le retrait de ce texte controversé, le roi du Maroc n'a pas apprécié et à décidé en contrepartie d'annuler à la dernière minute, l'audience qui était programmée . La position de la Tunisie à l'égard de la question du Sahara occidental a a été constante depuis l'éclatement de la crise n 1970 avec le retrait de l'Espagne de ce qui était alors le "Rio de Oroz" et l'occupation du Maroc de ce territoire et la revendication de sa souveraineté sur le Sahara. Ainsi le président Habib Bourguiba a adopté une attitude de neutralité dans ce conflit qui oppose actuellement le Maroc et l'Algérie via le Front Polisario, un mouvement indépendantiste du Sahara occidental. Cette politique a été maintenue par le président déchu Zine El Abidine Ben Ali qui a su maintenir un équilibre vis à vis de cette question, permettant à la Tunisie de préserver sa neutralité. Quelles sont les motivations du Maroc? Mais la question qui se pose est qu'est qui a poussé les Marocains à vouloir remettre en cause cette neutralité de la Tunisie dans le problème du Sahara. Plusieurs analystes ont échafaudé des hypothèses aussi divers que variées se répartisant en deux attitudes. Pour certains les marocains ont , sans nul doute, pris à la légère le chef du gouvernement Youssef Chahed à la tête du gouvernement depuis environ 8 mois . Ils pensent que jeune, âgé d'à peine 40 ans et son inexpérience politique pourraient l'induire en erreur et l'amener à laisser passer ce paragraphe, permettant ainsi au Maroc de marquer un point au détriment de l'Algérie. Il ne faut pas perdre de vue que le Maroc et l'Algérie se livrent une guerre d'influence sans merci pour faire adhérer les pays du monde à leurs thèses sur le Sahara occidental. En tout cas en refusant ce texte et exigeant le retrait du paragraphe controversé sur le Sahara occidental, Chahed, a fait preuve de maturité et d'une bonne appréciation de la géopolitique. Pouvait-il faire le contraire au risque de compromettre son avenir politique et celui de son gouvernement? D'autres analystes ont estimé que le Maroc profite des difficultés accumulés par la Tunisie depuis la révolution du 14 janvier 2011 et avec lui le recul de l'autorité de l'Etat pour forcer la main de la Tunisie dans le dossier du Sahara occidental. Les difficultés économiques et les troubles sociaux dans le pays ont affaibli l'image de l'Etat tunisien notamment lors des trois premières années post-révolution où la diplomatie a perdu ses repères. Selon ces mêmes analystes rien ne justifie que le Maroc veuille faire changer à la Tunisie sa position constante sur le Sahara occidental et lui créer ainsi des problèmes avec son voisin l'Algérie. Les relations profondes et solides qu'entretiennent l'Algérie et la Tunisie sont connues et en font un axe régional exemplaire. Malgré les déconvenues de l'annulation de cette audience Youssef Chahed s'est comporté en homme d'Etat et a su préserver les intérêts du pays et réaffirmer les constances de sa diplomatie basée sur la non ingérence dans les affaires intérieures des autres pays et surtout la recherche du compromis et le respect mutuel.