Tweet Share TUNIS (TAP) - "Les pauvres aussi ont le droit d'acheter et de vendre" a affirmé Salem, le frère de Bouazizi. Mohamed Bouazizi, vendeur ambulant informel, s'est immolé par le feu à la suite de l'expropriation de ses biens, déclenchant ainsi, le printemps arabe. Une équipe de l'Institut pour la Liberté et la Démocratie (ILD), fondée par l'économiste péruvien Hernando de Soto, a étudié la région de Sidi Bouzid pendant deux mois. Elle a fait le constat que 92 pc de la population "possèdent leurs biens immobiliers de façon extralégale" alors que 99 pc des entrepreneurs opèrent, également, de manière illégale. Même constat de l'Institut, pour des pays comme l'Egypte et la Libye où 90 pc de la population ne détiennent pas légalement leurs biens immobiliers. L'ILD a noté que dans les 60 jours qui ont suivi l'immolation de Bouazizi, quelque 49 personnes ont suivi son exemple dans la région arabe. Au total, près de 124 personnes se sont immolées. "Tous ces immolés étaient des informels expropriés, dans une région qui compte près de 200 millions d'informels. C'est sûrement l'une des principales raisons pour laquelle le printemps arabe s'est répandu comme une traînée de poudre". En Tunisie, le secteur informel représente 30 pc de l'économie et 50 pc du commerce de l'électroménager. M. De Soto, a présenté, mercredi au siège de l'UTICA, ses solutions aux problèmes de l'économie informelle, lors d'une rencontre débat avec les président des fédérations de l'électricité et de l'électronique, des TIC, de la mécanique, de l'export, du papier. Il a précisé que les plans élaborés par l'ILD ont été mis en oeuvre dans une trentaine de pays. Cet ancien dirigeant au GATT (accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) et à la Swiss Bank Corporation et ex-gouverneur de la Banque centrale du Pérou, a plaidé pour une légitimation de l'économie informelle, en instaurant un système qui permette d'abaisser le "coût du droit", c'est-à-dire de rendre la création d'une entreprise, moins coûteuse qu'une activité illégale, laquelle est obligée de verser de multiples pots-de-vin. Un tel système doit suivre et agir continuellement sur le "coût du droit", par un raccourcissement des délais, un allégement des documents officiels requis et l'instauration d'une imposition adaptée. A ce propos, l'économiste péruvien pointe du doigt les délais nécessaires, actuellement, pour créer une entreprise dans les pays du sud. De Soto a, aussi, recommandé la légalisation du secteur informel pour le séparer de réseaux criminels qui en profitent. Il a, encore, indiqué que "lorsqu'une activité ne dispose pas de documents officiels, elle ne peut faire appel ni aux crédits, ni au capital". De fait, les travaux entrepris par l'ILD portent sur le rôle de l'accès de la propriété dans l'émancipation et l'enrichissement des populations défavorisées. Les pays pauvres ont besoin des solutions que les pays développés ont adoptées au 19e siècle, étant donné que l'une condition primordiale de fonctionnement du capitalisme est la protection du droit de propriété par l'état. Pour expliquer le développement des Etats-Unis et du Japon, l'économiste péruvien a avancé l'existence d'un système clair de propriété qui a été progressivement mis en place. Intervenant dans le débat, le président de la fédération de la mécanique (UTICA), Béchir Boujdai, a dénoncé la poursuite de l'activité des structures de commerce parallèle, mises en place par la famille du président déchu, lesquelles sont encore dotées de moyens très importants, citant l'exemple du secteur des pièces de rechange automobiles. Le président de la fédération de l'électricité et de l'électronique, Hichem Elloumi a, de son côté, appelé à une action concertée entre le patronat et le gouvernement pour "assécher les racines" du secteur informel. S'agissant du chômage, M. De Soto a estimé que beaucoup de chômeurs sont des entrepreneurs malgré eux. Il faut, selon lui revoir les chiffres du chômage pour ne pas aider des catégories qui n'en ont pas besoin. Il s'agit plutôt de créer un climat favorable à l'investissement et ne pas considérer tous les chômeurs comme étant des prolétaires, tout en abaisser les coûts du secteur formel par rapport aux activités informelles. Tweet Share Précédent Suivant