L'escalade est désormais assumée. L'Arabie saoudite est passée à l'action au Yémen, ciblant des cargaisons d'armes destinées au Conseil de transition du Sud (STC), un mouvement séparatiste soutenu par les Emirats arabes unis. Cette opération marque un tournant majeur et met en lumière une fracture stratégique entre deux alliés clés du Golfe, révélant une tension régionale de plus en plus visible. Selon la coalition dirigée par Riyad, des frappes aériennes ont visé le port d'Al-Mukalla, dans l'est du pays, afin de détruire des armes et véhicules militaires récemment débarqués. Les autorités saoudiennes affirment que deux navires, arrivés depuis le port émirati de Fujairah, avaient désactivé leurs systèmes de suivi avant de décharger leur cargaison. La coalition assure que l'opération n'a causé ni victimes civiles ni dégâts collatéraux. Au-delà de l'aspect militaire, le message est avant tout politique. Riyad a qualifié le soutien émirati aux séparatistes de menace directe pour la sécurité nationale saoudienne et pour la stabilité régionale. Le ministère saoudien des Affaires étrangères a accusé Abou Dhabi d'avoir encouragé des opérations militaires près de la frontière sud du royaume, des mesures jugées extrêmement dangereuses. Sur le terrain, le STC, qui revendique le rétablissement d'un Etat indépendant dans le sud du Yémen, a profité des dernières semaines pour s'emparer de vastes territoires, notamment dans la région stratégique de l'Hadramaout. Cette avancée affaiblit davantage le gouvernement yéménite reconnu internationalement, déjà fragilisé par près de dix années de conflit. La coalition saoudienne avait pourtant appelé les séparatistes à un retrait pacifique, tout en avertissant qu'elle soutiendrait le gouvernement en cas d'escalade militaire. Des images aériennes diffusées par les médias officiels montrent des mouvements suspects dans le port avant une évacuation rapide, suivie des frappes. Les autorités locales ont fermé les routes menant au port, évoquant un risque d'explosions. Face à ces tensions inédites entre alliés du Golfe, les Etats-Unis appellent à la retenue. Washington évite de prendre parti entre Riyad et Abou Dhabi, deux partenaires stratégiques, malgré l'inquiétude croissante liée à la déstabilisation du Yémen. Cette nouvelle crise pourrait fragiliser encore davantage le pays le plus pauvre de la péninsule Arabique. Depuis 2014, le conflit opposant le gouvernement, les séparatistes sudistes et les rebelles houthistes soutenus par l'Iran a provoqué des centaines de milliers de morts et l'une des pires crises humanitaires au monde, malgré une trêve conclue en 2022. Créée en 2015 pour soutenir le pouvoir central et contenir l'influence iranienne, la coalition dirigée par Riyad se retrouve aujourd'hui confrontée à une réalité plus complexe : celle d'un Yémen devenu le théâtre de rivalités entre alliés, où la tension Arabie saoudite – Emirats arabes unis redessine les équilibres géopolitiques du Moyen-Orient.