L'ex-première dame Simone Gbagbo a été condamnée, mardi 10 mars dans la matinée, à vingt ans de prison par la justice ivoirienne pour son rôle durant la crise postélectorale de 2010-2011, qui a fait plus de 3 000 morts en Côte d'Ivoire. « La Cour, après avoir délibéré, condamne à l'unanimité » Simone Gbagbo à « vingt ans » de prison pour « attentat contre l'autorité de l'Etat, participation à un mouvement insurrectionnel et trouble à l'ordre public », a énoncé le juge Tahirou Dembelé, après plus de neuf heures de délibération du jury. Le parquet général avait requis une peine moitié moindre, soit dix ans d'emprisonnement, contre l'ex-première dame. 3 000 morts en cinq mois Soixante-dix-huit personnes étaient jugées à ses côtés pour leur rôle dans la crise postélectorale de 2010-2011, causée par le refus de Laurent Gbagbo de reconnaître la victoire de l'actuel chef de l'Etat, Alassane Ouattara, à la présidentielle de novembre 2010. Les violences entre les deux camps avaient fait plus de 3 000 morts en cinq mois. Simone Gbagbo, 65 ans, est un personnage politique très clivant en Côte d'Ivoire. Elle a été autant respectée pour son parcours dans l'opposition que redoutée dans son rôle de « présidente » à poigne, souvent accusée d'être liée aux « escadrons de la mort » contre les partisans d'Alassane Ouattara, qu'elle a toujours honni. Lundi après-midi, invitée à livrer ses derniers mots à la barre, la très dévote ancienne première dame, faisant plusieurs références à la Bible, avait déclaré « pardonner » à la partie adverse ses « injures ». Le fils de Gbagbo également condamné « J'ai trouvé les avocats de la partie civile outranciers. J'ai subi humiliation sur humiliation durant ce procès. Mais je suis prête à pardonner. Je pardonne les injures, je pardonne les outrances. Car si on ne pardonne pas, ce pays connaîtra une crise pire que ce que nous avons vécu », avait-elle dit. Pascal Affi N'Guessan, le patron contesté du Front populaire ivoirien (FPI) – le parti de Gbagbo –, qui souhaite représenter le FPI à la présidentielle d'octobre, a été condamné à dix-huit mois de prison avec sursis. Cette peine est couverte par les deux ans de détention provisoire qu'il a effectués. Michel Gbagbo, le fils de l'ex-président Gbagbo, issu d'un premier mariage avec une Française, a été condamné à cinq ans d'emprisonnement. La cour d'assises d'Abidjan avait été vidée de son public dans la soirée « pour des raisons de sécurité », selon le procureur général. « Un sentiment d'inachevé » « Leur crime, c'est un crime de patronyme, a expliqué Me Ange-Rodrigue Dadje, l'un des avocats de la défense, qui annonce leur intention de se pourvoir en cassation. C'est la pression du pouvoir politique qui a triomphé, aucun fait personnel n'a été reproché à Simone Gbagbo. C'est une condamnation pour la mettre à l'écart de l'arène politique. » Selon notre correspondante à Abidjan, Maureen Grisot, certains magistrats éprouvent un « sentiment d'inachevé » à l'issue de ce procès. « On avait de nombreuses preuves mais elles n'ont pas été associées au dossier et très peu de témoins ont été entendus pendant l'instruction, arrivant souvent au moment des audiences », soupire une source proche de l'enquête, qui rappelle que Simone Gbagbo n'a été entendue qu'une seule fois par un juge d'instruction, alors que la procédure a duré plus de deux ans. Le sérieux des procédures est pourtant d'autant plus important que les autorités ivoiriennes tentent toujours de convaincre la Cour pénale internationale qu'elles sont capables d'offrir un procès juste et équitable à Simone Gbagbo, réclamée depuis trois ans pour les mêmes crimes que son mari, dans l'attente de son procès à La Haye.