Neuf ans après le déclenchement du processus de la transition politique engendrée par la « révolution », l'incertitude plane encore sur les issues de la situation politique et économique.Neuf ans Neuf n'ont pas apporté de réponses à la question de la citoyenneté, laquelle était la marque déposée de la « révolution » des Tunisiens et n'ont pas traduit concrètement les slogans de la « révolution » dont le fond est surtout social. Bien que la dimension politique soit le trait caractéristique de ce qu'on appelle communément le processus de transition, elle constitue encore, malgré quatre échéances électorales englobants tous les niveaux de la constitution et de l'édification de l'Etat, un embarras pour toute évocation d'une « révolution » au vrai sens du terme. Ces neuf ans réactualisent les questions de 2011 avec les mêmes contenus politiques et sociaux et incitent à réfléchir autour des motivations des électeurs d'une société longtemps qualifiée comme moderniste. Les résultats des scrutins des élections de 2019 montrent que ce n'est pas l'intention qui commande l'acte de voter mais la rancœur et le mécontentement politiques et sociaux à l'égard de l'Etat et des acteurs politiques. C'est cette majorité, divisée entre deux générations, qui a dépeint le profil du prochain président et rassemblé la mosaïque de la légitimité du lendemain. Les deux générations ont emprunté la même voie, la même direction et le même choix : la première a choisi celui qui était là quand l'Etat n'y était pas et l'autre a choisi celui qui a proposé l'idée de décomposer l'Etat pour mieux le recomposer, puisque l'Etat tel qu'il est ne leur ressemble pas. Cette situation singulière nous met face à une question complexe : Est-ce que la société tunisienne stagne depuis la chute de l'ancien régime ou est-ce qu'elle est en train de vivre une ébullition jusque-là incompréhensible ? La réponse à cette question exige un retour systématique aux raisons et ces raisons se trouvent dans les traits et les caractéristiques profonds de la dynamique de la société tunisienne.Cette dynamique est caractérisée surtout par le contraste et la contradiction entre toutes les forces en action, lesquelles sont toutes considérées comme éléments authentiques sans suite concrète à cela. Malgré l'apparition de signes qui indiquent une orientation vers le changement radical et la rupture avec l'ancien système, on remarque pourtant que ces signes de changement s'orientent vers la normalisation avec le courant conservateur, ce qui n'est pas compatible avec les dimensions de la « révolution ». C'est un changement paradoxal puisqu'il propose une évolution et une rupture avec le système actuel à travers les mêmes outils et les mêmes mécanismes de ce même système. C'est aussi un changement qui valorise l'action dans le temps révolutionnaire, tout en étant partiellement soumis à des paramètres passéistes (politiques, culturels, sociaux et même économiques en ce qui concerne la question de la Zakat et des Awqaf). Le problème réside dans la nature de ce qu'on peut appeler « dynamique de la société », de ses orientations, de ses moteurs et des autres éléments qui la contrôlent. Quand on évoque une société, on évoque systématiquement ses trois concrétisations essentielles et globales qui reflètent sa particularité et ses traits généraux. Et bien qu'on ait des définitions divergentes de la société, on ne peut que s'accorder sur le fait qu'elle se définit par les trois champs sémantiques suivants :économique (la gestion des conditions de production et de reproduction de sa réalité matérielle), politique (physionomie de l'Etat, la structure du régime politique, les mécanismes de gouvernement et de gestion qui définissent le rapport entre le pouvoir et la société) , culturel (qui reflète la nature de la société, le mode de vie selon ses caractéristiques anthropologiques qui reflètent son aptitude d'ouverture sur les horizons de la pensée, du renouveau et de la créativité). Politiquement, il semble que la société tunisienne est revenue à la case de départ suite aux résultats imprévisibles du premier tour des élections présidentielles et les élections législatives qui ont montrées le recul des forces les plus progressistes au profit des forces les plus conservatrice, ce qui met toute manifestation du dynamisme sociétal au cœur d'une analyse rationnelle et minutieuse. Ces résultats sont engendrés par le maillon le plus faible (de point de vue efficacité et présence dans le paysage politique, culturel et économique) de la société tunisienne, et c'est le même maillon départagé entre deux générations : « les pères et les fils ». Le facteur déterminant en ce sujet est économique. Tous les indices pointent l'échec de l'Etat. On ne peut plus parler d'un modèle de développement qui garantit la contribution dans la création de la richesse sur une base d'égalité ou la répartition équitable de cette richesse ; le modèle qui règne est celui qui reproduit et approfondit la disparité entre les classes sociales et les régions, le même modèle qui a préparé l'explosion sociale contre l'ancien régime. La question culturelle est la plus problématique de toutes que ce soit dans un sens anthropologique ou dans un sens général qui englobe la pensée, le savoir, les arts et tous les domaines de création, puisque la société connue comme la plus moderniste etlà plus ancrée dans son espace géographique et civilisationnel est devenue prisonnière des questions de foi et d'identité imposées par les références collectives. Le statut de l'individu dans la société serait aujourd'hui et plus que jamais objet de discorde intellectuelle et politique après s'être tranché par toutes les humanités et les universalismes si lacunaires qu'ils soient. En étudiant la dynamique de la société tunisienne durant ces neuf ans post-révolutionnaires, il est difficile de tracer les frontières entre toutes les mutations mentionnées ci-dessus, elles s'entremêlent, se chevauchent et se rejoignent dans le domaine politique général. L'économie est forcément politique, la culture dépend toujours de la politique culturelle, et même la justice dans un sens juridique et technique devient prisonnière de la politique, la dépendance du pouvoir judiciaire au pouvoir politique en place et aux partis politiques qui tiennent les commandes de l'appareil de l'Etat est une affaire sociale avant tout, les assassinats politiques ainsi que l'appareil secret en sont les meilleurs exemples, montrant à quel point la justice est plus que jamais politisée et même plus qu'elle ne l'était sous l'ancien régime. Certaines de ces allusions problématiques peuvent servir de cadre référentiel pour proposer des axes de réflexion et de discussion autour de « La dynamique de la société tunisienne face aux défis politiques ». Ces axes seront le sujet du colloque pluridisciplinaire organisé par Med Ali Editions et le bureau de coopération académique de la Fondation Rosa Luxemburg. PROGRAMME 9.00-9.30Accueil et enregistrement des invités
09.30-10.45Séance inaugurale 9.30-9.45Allocutions d'ouverture Nadia Elouerghemmi : Bureau de coopération académique – Fondation Rosa Luxembourg Nouri abid : Med Ali Editions Président : Mouldi Guessoumi 9.45-10.45 Conférence inaugurale Hammadi Ben Jaballah, Qu'est-ce que la révolution Allocution spéciale de l'invité du colloque : Iyadh Ben Achour Pause-café : 10.45-11.00
Première séance : Les paradoxes postrévolutionnaires Président : Hedi Timoumi Durée : 11.00-12.30 Mehdi Berrached Fenêtre sur la mouvance algérienne : le périphérique envahissant la centralité Mannoubia Ben Ghdhehom Quelles politiques pour les tunisiennes ? Habib Mersit La société civile : dangers et défis Débat Pause : 12.30 – 14.00
Deuxième séance : Arts et Médias, reconstitution éventuelle du réel Présidente : Rafika Bhouri Durée : 14.00-15.30 Sadok Hamami Les réseaux sociaux et transformations du domaine public Fateh Ben Ameur Le domaine culturel de la Tunisie postrévolutionnaire Débat Pause-café : 15.30-16
Troisième séance : La société tunisienne et la nouvelle constitution Présidente : Radhia Dridi Durée : 16.00-17.30 Ahmed Azouzi Les entraves objectives à la modernisation en Tunisie Hakim Ben Hammouda Le nouveau « bloc national » : une lecture politico-économique Baccar Gherib Le modèle alternatif du développement Débat Dimanche 08 Décembre 2019 Quatrième séance : Le discourspolitique et la problématique communicationnelle Présidente : Amel Mokhtar Durée 9.00-10.30 Youssef Seddik Le dysfonctionnement du discours adressé à l'espace public Mohamed Youssfi Les médias et la transition démocratique en Tunisie : acquis et défis Débat Pause-café 10.30-11
Cinquième séance : Bilan et perspectives Présidente : Yosra Frawes Durée : 11.00-12.30 Mohamed Ali Halouani La société tunisienne : une société en inertie ? Ridha Raddewi La défaite de la justice dans le cadre de la transition démocratique Mouldi Gassoumi La diversité des foules « Kaisienne » : vers une compréhension des backgrounds et des dimensions Débat
Mot de clôture et résumé des actes du colloque : Nouri Abid