Il paraît qu'aujourd'hui, 25 janvier, ou peut-être demain, sera annoncé le remaniement ministériel annoncé depuis juillet 2012, tardant toujours à aboutir pour toutes sortes de déboires, de tiraillements et de tergiversations. Il y en a même qui croient à son report encore, voire à son annulation. Or le remaniement lui-même ne veut rien dire et n'apportera sûrement rien de radical, malgré les bonnes intentions du président du gouvernement, reconnues par la plupart mais jugées non concluantes en raison des pressions qui s'exercent sur lui, au point de bloquer chez lui toute initiative personnelle. Le remaniement aura lieu ou n'aura pas ? Ce n'est plus la question, pour le citoyen qui n'y trouverait encore que de quoi nourrir une curiosité distante, finissant d'ailleurs, le plus souvent, en commentaires ironiques ou en caricatures plaisantes d'ingénieux plaisantins. Il paraît que ce n'est plus la question aussi pour les différentes formations politiques échouant à faire accepter leur proposition d'un minimum requis pour assurer convenablement la transition démocratique. Devant ce dérapage annoncé dû, semble-t-il, à une poigne de fer idéologiquement impérieuse, le président du gouvernement Hamadi Jébali essaie, avec un sérieux sentiment de désespoir, de sauver la troïka du naufrage auquel contribuent les partenaires les plus complices dans une sorte de réveil de conscience du dernier quart d'heure. « Un peu, dit un observateur non impliqué, comme ces gens qui se sont liés à Ben Ali pour le conduire au bord du gouffre pour retrouver à la fin un look de révolutionnaires acharnés » ! Je ne sais si la comparaison sied bien à la circonstance, n'empêche qu'il y a problèmes : problèmes de cohabitation, de communication, de consensus. Un peu dans la déroute, peut-être, le président du gouvernement ne veut pas finir sur un échec attendu parce qu'on doit sûrement l'attendre au tournant pour lui mettre sur le dos toutes les raisons de l'inaboutissement. De l'intérieur de son parti Ennahdha, certains pensent qu'on le pousse, presque seul, alourdi de ses chaînes dans la mêlée enflammée comme une horde sauvage, juste pour en préparer la relève et pour le punir peut-être de trop d'ouverture pour la rigueur idéologique du système de son parti. Ce qu'on oublie cependant, c'est que le feu qui le brûlerait dans ce cas, pourrait s'étendre et tout brûler sur son chemin. Cela n'est pourtant souhaitable ni pour les partis de notre pays, ni pour notre Tunisie qu'on croyait bien partie pour être, encore une fois, en situation exemplaire. Hélas, le constat est que tout bat de l'aile sur le terrain de l'action politique : on parle d'accords qui se concluent, de cohabitions qui se nouent et se dénouent, au gré des personnes et des circonstances, des humeurs et des influences. Tout le monde pense et calcule pour les prochaines élections ; mais à continuer ainsi, n'y a-t-il tout bonnement pas un risque de non-élection (même si les élections se font, dans la bonne tradition des simagrées dont on voudrait se libérer) ? Maintenant le gouvernement est accusé de vouloir affaiblir l'opposition en cooptant certains de ses dirigeants représentatifs, les uns demeurant sur leurs principes, d'autres ne résistant guère à la séduction du pouvoir. Pourtant, rien ne paraît doter ces nouvelles figures des compétences requises pour gérer les portefeuilles qu'on leur offre ! De son côté le gouvernement accuse l'opposition d'être trop rigide pour ce que pourrait tolérer la situation présente. Nous ne serions pas étonnés, bientôt, de voir tous ses militants traités de « Azlem ». Un vrai cafouillis donc, dans lequel le seul vrai perdu reste le citoyen errant entre mille questions, ne sachant à quel saint se vouer dans son pays dirigé par des saints cherchant à en tuer les anciens pour qu'ils ne leur fassent pas de l'ombre. Il ne sait plus, ce pauvre citoyen, s'il est vraiment utile qu'il continue de faire correctement son devoir, d'assurer convenablement sa fonction, de faire ce qu'il faut, quoi, puisque de toutes les façons, ce qu'il peut essayer de sauver, voire de chercher à reconstruire, certains calculs n'hésiteront pas, cyniquement, à le faire détruire. En vrai bohème dans le champ presque désert de l'action pour la patrie, le pauvre citoyen, comme un poète, est en train d'errer ne sachant vers quelle rivière il doit se diriger.