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Chronique, le mot pour le dire : il y a anguille sous roche !
Publié dans Tunivisions le 06 - 09 - 2013


Par : Fredj LAHOUAR
« L'obstination est contraire à la nature, contraire à la vie. Les seules personnes parfaitement obstinées sont les morts ».
Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes ?
Il est un proverbe qui stipule que l'obstination est le chemin de la réussite, faisant ainsi passer l'entêtement pour un signe d'intelligence et une qualité suprême, la meilleure dont puisse disposer, nous précise-t-on, les limiers et, plus généralement, les chercheurs de vérités. Il existe des perles semblables presque dans toutes les cultures du monde, où l'obstination est systématiquement perçue comme le signe distinctif de la race des hommes forts et résolus ou, ce qui revient au même, des gagnants. Les perdants – entendez les conciliants – feraient partie, eux, de la race des timorés, des lâches et des indécis qui sont faits pour grossir les troupeaux de brebis serviles et adulatrices. Le grand poète abbasside Bashar ibn Bord (mort en 784) disait, un peu dans le même sens, que l'audacieux est le seul homme qui puisse prétendre satisfaire pleinement ses désirs. Nous estimons, pour notre part, que cet éloge inconsidéré de l'obstination est fondé sur un malentendu en vertu duquel la persévérance est assimilée, abusivement et outrageusement, à l'entêtement.
A ce propos, Laurence Sterne précise que, « si la cause est bonne », il y a lieu alors de parler de persévérance, mais si, par contre, « la cause est mauvaise », il n'y a pas le moindre doute, c'est d'obstination qu'il s'agit. Bien avant lui, Montaigne, stigmatisant l'entêtement, qu'il associait d'ailleurs à l'ardeur – entendez la passion – a fait de lui « la plus sûre preuve de [la] bêtise », peut-être est-ce parce qu'il est, comme l'atteste Malcolm de Chazal, « le parent pauvre de la volonté ». Pour convaincre un éventuel lecteur récalcitrant, l'auteur des Essais ajoute, non sans ironie : « Est-il rien de certain, résolu, dédaigneux, contemplatif, grave, sérieux comme l'âne ? » ! Enfin, Shafique Keshavjee, pasteur suisse originaire de l'Inde, se proposant de distinguer radicalement « la ténacité de l'obstination », fait de la première le corollaire obligé de la persévérance qui consisterait, selon lui, dans le fait de « savoir insister et persévérer au bon moment », c'est-à-dire à bon escient. L'obstination consisterait, toujours selon ce même pasteur, dans le fait de ne pas « savoir se retirer et renoncer quand il le faut », sans se soucier des conséquences fâcheuses que cette attitude pourrait avoir sur l'obstiné lui-même ou sur son entourage.
Il est possible de lire la crise, dans laquelle se débat la Tunisie depuis un peu plus d'un mois, à la lumière de ce qui a précédé, surtout qu'il est attesté désormais que la stratégie de la Troïka au pouvoir, et du parti majoritaire en particulier, consiste à gagner le maximum possible de temps afin d'éroder la résistance de l'adversaire et de l'acculer ainsi à la capitulation. Pour ce faire, il est donc impératif de camper sur ses positions et, mieux encore, de placer la barre, chaque jour, un peu plus haut, autrement dit de s'obstiner et ne s'en tenir qu'à cela. Pour un obstiné qui se respecte, la consigne – entendez la clé de la réussite – est de rester constamment ferme, résolu et inflexible et – et c'est là le plus important – de taxer son ennemi, d'obstination. Retourner l'accusation ignominieuse, qui pèse sur lui, sur son vis-à-vis, est un exploit que l'obstiné de génie devrait absolument réussir et, pour lui donner plus de poids, l'associer à d'autres tares, non moins accablantes. C'est dans ce sens que les adversaires politiques de la Troïka sont systématiquement traités de putschistes, d'extrémistes, d'anarchistes, voire de nihilistes.
En se proposant de gagner du temps, denrée dont il se soucie comme d'une guigne, l'obstiné envisage en fait de dilapider le temps précieux de ses ennemis – en l'occurrence celui de la nation pour ce qui est du cas tunisien – parce qu'il s'agit là, pour lui, d'une question de vie ou de mort. En effet, l'obstiné ne veut pas d'un temps qui consacrerait sa défaite. Pour se dérober à cette exigence, il n'a qu'un choix, et un seul : reporter toujours et indéfiniment sa capitulation et, si c'est possible, en empêcher l'avènement. Au fait, l'obstiné est animé par ce qu'on pourrait appeler le syndrome de Samson, en vertu duquel, pour s'épargner l'humiliation d'une défaite désormais inéluctable, il opte pour l'apocalypse. Au fait, ne pouvant concevoir l'idée que le monde puisse être gouverné par un autre maître que lui, l'obstiné, qui est l'incarnation par excellence du fanatique, met ses adversaires devant la nécessité de choisir entre lui-même et le déluge.
Ce n'est pas par hasard que l'obstiné, qui a tout à gagner et plus à rien à perdre, s'est résolu à adopter la stratégie de la terre brûlée. L'ayant expérimentée lors de la crise qui a succédé à l'assassinat du martyr Chokri Belaïd et, ayant obtenu grâce à elle, gain de cause, l'obstiné s'est laissé convaincre que le proverbe, stipulant qu'une fois n'est pas coutume, n'est pas forcément vrai et qu'il n'y a pas de raison de ne pas envisager d'exception aux fatalités les plus rigoureuses, y compris à celle de la mort. Le scénario de février dernier pourrait bien être reproduit indéfiniment de sorte que la Troïka survive, chaque fois, à elle-même, barrant ainsi la route à ceux qui rêvent de lui voler son trône. Il y a toujours un moyen de déjouer les rigueurs du sort, se dit le l'obstiné, en se promettant de forcer, encore une fois, le destin et de relever le défi qu'aucun autre avant lui n'a pu soutenir, et cela en apportant la preuve qu'il est possible, pour celui qui le voudrait vraiment, d'échapper à une mort certaine.
Sauver la Troïka à n'importe quel prix, semble être, pour le moment, l'objectif primordial de l'équipe régnante. Peu importe que la survie de la Troïka puisse coûter sa vie à la Tunisie et à son peuple. La Troïka se cramponne à la vie, se démène de mille et une façons pour rester aux commandes aussi longtemps que le permettraient les rapports de forces qu'elle estime être toujours à son avantage. Et elle persisterait dans cette croyance tant qu'elle continuerait à avoir le vent en poupe, autrement dit tant qu'elle ne serait pas balayée par une nouvelle révolution. En l'absence d'un pareil cataclysme qui mettrait fin à son règne, la Troïka s'obstinerait à répéter, à qui voudrait bien la croire, qu'elle est la détentrice et la garante de la révolution du 14 janvier 2011 et, à ce titre, l'unique détentrice de la « légitimité ». Si un tel cataclysme ne se produisait pas, ce serait là la preuve, se targue la Troïka, qu'elle est assistée par Dieu et qu'elle serait, pour cette raison précisément, invincible.
Il est un fait que la Troïka, et le parti Ennahdha en particulier, n'ont pas opté pour cette stratégie, coûteuse et destructrice, parce qu'ils ont, plus que d'autres, un goût prononcé pour l'obstination. Il existe, à notre avis, au moins deux raisons objectives qui expliquent cette illusion de puissance qui fait croire au parti islamiste et à ses satellites qu'ils pourraient durer contre la volonté de tous, aussi longtemps qu'il leur est nécessaire pour assurer leurs arrières et préparer leur triomphe dans les prochaines échéances électorales. La première de ses raisons se rapporte justement aux milliers d'affectations, ordonnées par Ennahdha, en vue de contrôler, complètement et efficacement, les rouages de l'Etat et qui, le moment venu, lui assureraient un succès certain dans les compétitions électorales en vue. La seconde raison, non moins importante, est la crainte – réelle ou fictive – de devoir rendre compte de sa gestion des affaires au cours des deux dernières années et de devoir payer pour les manquements, les compromissions et les excès qui se seraient produits au cours de cette période.
Il n'est pas sûr que Laurence Sterne voie, dans ces conduites partisanes et les appréhensions qui en ont résulté, une si bonne cause, et qu'il se décide partant à voir dans l'attitude de la Troïka, face à la crise suscitée par ses propres agissements, de la persévérance. Nous craignons que l'ecclésiastique britannique ne soit contraint de conclure que l'obstination de la Troïka est d'autant plus virulente que la cause, qu'elle prétend servir, est mauvaise et de se dire, non sans raison d'ailleurs, qu'il y a anguille sous roche. On ne s'obstine à détruire sa patrie pour sauvegarder son parti que dans le cas où ce dernier se serait gravement compromis dans sa gestion des affaires. Syndrome de Samson oblige, c'est donc tout le pays qu'on saccage et brûle pour détruire les indices du crime dont la Troïka se serait rendue coupable, rien que pour ce qui est du dossier, particulièrement délicat du terrorisme.
Ce serait là le verdict que ne manqueraient pas de prononcer tous les magistrats de la terre si les Tunisiens leur demandaient de statuer sur leur différend avec des gouvernants qui s'entêtent à penser, en dépit de leur incompétence évidente et de l'expiration de leur mandat légal depuis le 23 octobre 2012, qu'ils sont les seuls qui soient habilités à gouverner un pays qu'ils n'ont fait que malmener deux ans durant !


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