Par M'hamed GAIEB(*) La date du 23 octobre prochain est une date perçue par les partis politiques d'une façon différente. Si pour les partis dits d'opposition, cette date est une date-butoir, qui exige la mise au point et l'adoption par tous, d'une stratégie et d'une feuille de route claires et précises sur toutes les échéances politiques prochaines, y compris les dates d'adoption de la nouvelle Constitution, et des prochaines élections, pour Ennahdha et ses alliés de la Troïka, c'est une date sans importance spéciale, même si le décret d'octobre 2011, qui donne sa légitimité à l'Assemblée constituante, et par voie de conséquence, au gouvernement Jebali, expire à cette date. Pour eux, tout doit continuer dans la normalité. Jusqu'à quand ? et comment ? Personne ne le dit. Aucun calendrier proposé, pas de date limite annoncée pour l'adoption de la Constitution, rien. Le peuple tunisien nage dans une brume épaisse et ne sait plus à quel saint se vouer. Il commence à trouver le temps long, et ses dirigeants pas pressés. Pour les partis d'opposition et la société civile, cette situation est inacceptable. Il est vrai qu'Ennahdha et ses alliés de la Troïka, ont pris le pouvoir par les urnes. Mais il est tout aussi vrai que le peuple tunisien ne leur a pas signé un chèque en blanc, ou leur a donné le pouvoir, d'une façon illimitée. Devant cette situation de blocage et de tensions politiques, l'Ugtt, par souci d'intérêt national, a proposé de tenir, le 16 octobre, une conférence de dialogue national, où toutes les parties prenantes sont invitées à s'entendre sur une feuille de route de l'après-23 octobre,et à annoncer au peuple tunisien un programme de travail et un calendrier clairs et précis, qui jouit du consensus de tous. Une initiative très honorable qui évitera sûrement des complications et des affrontements, dont le pays peut se passer. Tous les partis politiques ont salué cette initiative et ont accepté d'y participer, à l'exception d'Ennahdha et ses alliés, qui ont posé comme condition de leur participation, l'exclusion de Nida Tounès. La raison invoquée, est que ce parti est constitué d'ex-destouriens et de Rcdistes, criminels, malfaiteurs et au passé douteux. Quelle excuse et quelle accusation grotesque ! Il est vrai que celui qui veut noyer son chien l'accuse de rage. Croient-ils vraiment que le commun des Tunisiens va avaler cette couleuvre ? Ou est-ce, comme le dit l'autre proverbe, une cartouche qui, si elle n'atteint pas sa cible, elle servira, au moins, à faire beaucoup de bruit et à déstabiliser. Nida Tounès est un parti tunisien reconnu autant qu'Ennahdha. Il a les mêmes droits, et les mêmes devoirs. S'il y a, parmi ses membres, des personnes qui ont commis des crimes ou des malversations, qu'on les passe en jugement. A défaut de cela, les chefs déclarés, et les adhérents de ce parti sont des citoyens de plein droit, jusqu'à preuve du contraire. Le but de cet article, au fait , n'est pas de défendre Nida Tounès, auquel je n'appartiens pas . Il est capable, à travers ses compétences, de le faire mieux que moi. Mon but est d'attirer l'attention d'Ennahdha et ses alliés, sur les dangers et les conséquences désastreuses de ce blocage. S'ils restent sur leur position et refusent le dialogue, les semaines à venir, risquent d'être très houleuses et incertaines. La logique et le bon sens imposent à ces partis d'encourager le dialogue politique et la concertation pour atteindre un consensus, même au prix de quelques petits sacrifices, et de rejeter l'exclusion et l'entêtement. C'est la base même de la démocratie. L'interet de ce bon peuple qui a fait tant de sacrifices doit primer devant l'intérêt des partis et des personnes. C'est l'état de droit auquel chaque Tunisien aspire. Notre pays est sur les charbons ardents. Le climat politique et social est très tendu. L'économie clignote au rouge. Déja, des appels à la désobéissance civile et à une deuxième révolution plus violente que la première, commencent à courir sur les réseaux sociaux. Il y a aussi des criminels et des délinquants, à l'affût de la moindre crise, qui commencent à se frotter les mains. Quelques citoyens, craignant le pire, ont commencé à stocker des provisions. C'est dire combien la situation est sérieuse et explosive. La sagesse nous conseille de chercher l'apaisement, le dialogue et la concertation, et pas la surenchère, le conflit et la confrontation. J'appelle, en tant que citoyen soucieux du présent et de l'avenir de son pays, Ennahdha et ses alliés à accepter de participer à la conférence du dialogue national, sans conditions préalables et sans exclusion. Peut-être que les idées qu'ils vont entendre, sont compatibles avec les leurs. Peut-être que l'étincelle jaillira de cet échange de vues et aboutir à un accord salvateur, qui permettra une continuation concertée de cette phase transitoire. S'ils s'obstinent dans leur refus et continuent à n'entendre que leur propre voix , ils en assumeront les conséquences, devant Dieu, leur conscience , le peuple tunisien, et l'Histoire. *(Ancien cadre et diplomate des Nations unies)