Je ne sais pas si c'est le printemps. Ou le mal du pays. Ou le souvenir des plaines verdoyantes de mon enfance. Mais encore une fois, j'ai envie de vous faire partager le Kef. En demandant votre indulgence pour ma subjectivité. Et subjectivité il y a, sans doute. De loin, je regarde le Kef et je constate avec amertume le peu d'intérêt qu'on nous prête, le peu de place que la "Révolution" nous a faite, et cet ostracisme politique qui nous prive à chaque fois de postes de décision qui devraient revenir de droit aux enfants de la région. Nous fournissons à la Tunisie son blé et ses semailles, le talent de ses artistes et intellectuels en nombre, nous l'informons à travers des médias dont nous sommes les chevilles ouvrières, nos avocats défendent la veuve et l'orphelin et nos "Socrate" meurent pour la Nation. Et pourtant ! Dès l'instant où il s'agit de notre région, tout le monde se tait dans les environs de Carthage, à peine nous complimente-t-on sur le "bourzgane" et autres clichés du genre. A peine nous pardonne-ton notre accent, et encore, c'est grâce à l'émergence récente sur les écrans d'interlocuteurs du Sud perçus comme les vrais acteurs de la dite "Révolution" qu'il est possible désormais de parler le "gua" sans rougir. Et notre Histoire, pardi ? Et nos compétences ? Et nos sites archéologiques parmi les plus riches de Méditerranée ? Et nos plaines sans lesquelles la Tunisie n'aurait jamais été un grenier pour Rome ni ne se serait appelée "Verte" ? Et cette manne du Rêve et des richesses de l'esprit qui valent leurs kilomètres de plages de sable fin et d'industries pétrolières ?! C'est à désespérer. Et je ne vous cache pas que certains jours, je suis sur le point de réagir comme l'un de mes cousins qui, il y a une dizaine d'années, en litige avec l'Etat pour un problème foncier, n'ayant pas trouvé oreille attentive auprès des tribunaux de Tunis a juré ses grands dieux en rebroussant chemin vers le Kef : "Demain, je demanderais justice au tribunal d'Alger !"