Voilà dix jours que l'armée algérienne a engagé des opérations commando contre les groupes terroristes d'AQMI dans l'Ouest de la Libye. L'information a été confirmée par Al Watan ce vendredi 06 juin. Il semble même que les opérations s'inscrivent dans une action concertée et coordonnée avec les Américains et les Français qui étudieraient une intervention au Sud de ce pays, devenu une vraie poudrière incontrôlée et bientôt incontrôlable si rien ne se faisait pour endiguer le cancer terroriste et extrémiste qui y sévit et se propage. C'est sans doute dans le même ordre d'idées qu'il faudrait entendre la déclaration du nouveau président égyptien Abdelfattah Essisi stipulant une intervention imminente de son armée contre les terroristes islamistes, en Libye même. En tout cas, le rôle confirmé du soldat de l'Est et du gendarme de l'Ouest est désormais incontournable dans la région, de l'avis de certains experts en aversion, il est vrai, de tout terrorisme et de tout fanatisme religieux. L'on comprend alors pourquoi en Tunisie, aujourd'hui plus que jamais, si ce n'est déjà un peu tard, une mobilisation intense et quasi-généralisée contre le terrorisme est perceptible chez ceux-là mêmes qui hier offraient toutes les conditions de libre exercice et les facilités de tout mouvement et de tout trafic à ceux qui aujourd'hui se sont avérés des diables rouges, comme des langues de feu venant droit du profond de l'enfer. En gros, dans cette opération régionale, coordonnée au plan international, la Tunisie jouerait le policier de service, pour soi et pour l'ensemble, selon les moyens, mais en nécessaire coordination avec la stratégie d'ensemble. On comprend alors que certaines figures et certains courants idéologiques, sous couvert de partis politiques, n'aient plus vraiment un rôle à jouer dans la construction de l'Etat civil que la Tunisie doit être et demeurer. C'est historique, c'est civilisationnel et c'est inéluctable. En effet, on verrait mal un Marzouki et consorts, convoiter un quelconque strapontin dans l'avenir de la région, à moins d'une absurdité comme celle conduite en 2011. Sans doute est-ce avec cette conviction d'ailleurs que certains de ses plus proches alliés d'hier, comme Mohamed Abbou, tout en défendant l'éventualité de prolongation de son séjour à Carthage pour quelques mois, ne voit plus son intérêt avec Marzouki et les siens et se tourne déjà vers un Ben Jaafar qui serait, peut-être, récupérable dans une option civile parrainée par l'ami français du chef d'Ettakattoul. En tout cas, la nouvelle visibilité médiatique de certains laisse attendre quelques modifications dans la configuration globale du paysage politique tunisien. C'est là aussi qu'il importe de se demander comment Ennahdha va se positionner dans cette géostratégie anti-terroriste, car il ne lui suffira plus de crier contre la pratique violente de ce phénomène, pour camoufler des implications passées, selon certains ; il lui faudra manifester son engagement pratique. L'appui de la Turquie et de l'Iran suffirai-t-il à créer un bloc de démarcation par rapport à la stratégie évoquée ci-dessus ? C'est peu probable ! Ennahdha sait qu'elle n'a plus l'appui inconditionnel de l'Occident : moins de trois ans ont suffi à celui-ci pour lui faire perdre toute illusion dans l'islam politique. Ennahdha a Essissi sur le dos, même si elle tend de plus en plus à impliquer Marzouki pour elle, pour le cas où il faudra sacrifier quelqu'un, dans la suite du parcours. Néanmoins, il ne faut jamais vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué, et Marzouki est de ceux à avoir la peau dure : il l'a montré à maintes reprises. Ses tractations à peine voilées avec le Qatar et d'autres pays du Golfe ne sont pas sans objectifs ; et même cet africanisme activiste, qui se réveille soudain en lui, devrait être reconsidéré de ce point de vue, au-delà de toute intention positive qui l'animerait. En tout cas, ce qui peut être souligné, en conclusion, c'est que le destin de la région se joue aujourd'hui dans la guerre contre le terrorisme, autour du volcan libyen ; mais l'avenir de la Tunisie aussi, dirions-nous. Cependant, il semble que les acteurs politiques de ce pays soit davantage occupés à composer chacun une chanson pour sa Leïla, qu'à se vouer tous pour celle que tous doivent chérir ensemble et servir sans calcul, la Belle Khadhra.