«Seule la démocratie pourra anéantir le terrorisme», affirme Aleya Allani, historien et spécialiste des mouvements islamistes Une bombe a explosé, hier à l'aube dans la région de Mhamdia (gouvernorat de Ben Arous) sur la route menant à Fouchana. Selon des sources sécuritaires, providence et heureux hasard se sont conjugués tout à la fois qui ont fait que la bombe n'explose que quelques secondes après le passage d'une patrouille de sécurité. Plus de peur que de mal cette déflagration n'a causé aucune perte en vie humaine ou matérielle. La zone a été immédiatement bouclée par des unités de lutte contre le terrorisme. Lundi dernier, huit soldats ont été assassinés dont quelques uns égorgés par un groupe terroriste à Jebel Châambi, tout juste avant la rupture du jeûne. Huit familles ont été endeuillées… L'émotion était à son comble lors des funérailles. Les citoyens craignent désormais pour leur vie. Ces opérations vont-elles se poursuivre ? Que peut-on faire pour arrêter ce fléau ? Sans tomber dans un scepticisme de mauvais aloi, c'est un problème insoluble à court terme, tellement les vecteurs qui l'ont initié demeurent inextricables. Il va falloir s'armer de patience. Aleya Allani, historien spécialiste des mouvements islamistes affirme au Temps que « les actes terroristes peuvent se poursuivre un certain temps. Ils sont liés par la fin de la période transitoire. Il existe des tentatives et des efforts soutenus pour faire échouer cette transition. Un autre facteur explique la recrudescence des actes terroristes. Des forces étrangères voient d'un mauvais œil la réussite du modèle démocratique et moderniste en Tunisie, surtout après la montée de l'Islam politique ». Quels sont les facteurs internes qui favorisent le terrorisme ? Aleya Allani, énumère la fragilité sécuritaire qui est revenus de façon flagrante et surprenante après l'assassinat de Mohamed Brahmi. La tuerie de Chaâmbi, la voiture piégée à La Goulette, la détonation de la bombe à Ben Arous, en sont l'expression. « Les courants religieux extrémistes feront tout pour perturber la transition démocratique et empêcher les Tunisiens de tenir des élections. Les tiraillements politiques favorisent ce climat. Les courants religieux ne veulent pas que la Troïka quitte le pouvoir. La réussite de la Démocratie n'arrange guère leurs sordides calculs étriqués. Ces courants disent avoir des contradictions et des divergences avec le mouvement Ennahdha. Toutefois, ils préfèrent Ennahdha aux partis laïcs », dit-il. Le fait de ne pas arriver à un consensus favorise les terroristes. Une grande partie de l'opposition revendique un Gouvernement de technocrates sans coloration politique, alors que la Troïka est favorable à un Gouvernement d'Union nationale pour absorber la colère populaire. L'historien pense que pour ces raisons, les explosions de Ben Arous et La Goulette peuvent se reproduire. Les courants religieux et extrémistes utilisent la même méthode qu'Al- Qaïda. L'officier de la sûreté égorgé à Djebel Jelloud, confirme et corrobore une fois de plus la méthode de ces courants visant les forces de sécurité. Au cas où des confrontations se produisent entre l'Institution sécuritaire et les Jihadistes, les terroristes peuvent passer au palier supérieur en organisant des attaques dans les lieux publics. Dernièrement, les forces de sécurité ont arrêté Kamel Ben Arbia, un des hommes d'Al-Qaïda. L'organisation a voulu se venger. « Ces opérations, ont entre autres, pour objectif de faire capoter l'étape de transition démocratique tout en étant une réaction à cette arrestation », dit notre historien. Il en est ainsi pour l'opération d'Aminas. Elle était une réaction aux coups portés à Al-Qaïda au nord du Mali. Chaque fois qu'elle reçoit des coups, Al-Qaïda réagit par des opérations de vengeance. Que peut-on faire devant ce phénomène ? Pour opter à la bonne réaction, il faudra se rappeler que ces opérations sont liées à un climat et une conjoncture donnée. Beaucoup de cellules dormantes d'Al-Qaïda existent dans le monde arabe. Au Maroc, l'opération terroriste perpétrée dans un restaurant à Fès, n'a pas eu d'incidences sur l'économie, parce que les autorités ont pu en un court laps de temps, arrêter les auteurs du crime. « En Tunisie, il faut réactiver les structures sécuritaire. Les services de sûreté de l'Etat doivent reprendre du service. La loi anti-terroriste doit être réhabilitée en y incluant les éléments respectant les Droits de l'Homme. Nos structures sécuritaires sont professionnelles. Elles doivent bénéficier de toutes les prérogatives et de la liberté d'action, sans l'ingérence des structures politiques», dit Aleya Allani. Pour faire face au terrorisme, le Front intérieur doit être solide. Notre historien, pense qu'un « Gouvernement de compétences nationales organisera des élections législatives et présidentielles. Le travail de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) sera délimité à l'achèvement de la Constitution ». Par ailleurs, l'historien, a réitéré sa proposition de tenir un congrès national de lutte contre le terrorisme. C'est un congrès auquel seront invitées toutes les forces politiques, y compris les courants religieux extrémistes. Il élaborera un manifeste anti-terroriste où la notion de terrorisme sera définie. Une nouvelle Agence de renseignements doit être mise sur pied. Elle collecte les informations auprès des citoyens et par l'intermédiaire de ses cadres. Il faut élaborer une nouvelle stratégie de sécurité qui incluse, entre autres, le développement des régions marginalisées dont la principale activité est la contrebande. «Il y a des interférences entre le terrorisme et la contrebande», rappelle notre historien. En conclusion, la démocratie meilleure parade contre le terrorisme.