Demain 5 décembre 2015, les Tunisiens, tous les Tunisiens, auront au moins une pensée à la mémoire du militant syndicaliste et nationaliste Farhat Hached, lâchement assassiné par une main criminelle, celle de « la Main Rouge » ou du SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage) non moins sanguinaire, voilà maintenant 63 ans. Il serait mort à cet âge qu'on aurait dit l'âge des prophètes pour lui reconnaître un mérite de la catégorie des leurs. Mais il est mort à 38 ans seulement, autant dire en pleine jeunesse. Une vie brève mais ô combien riche de réalisations et surtout d'enseignements pouvant éclairer notre présent et nos temps à venir. F. Hached est d'abord une preuve éloquente que l'intelligence ne se mesure pas aux diplômes. Il n'avait que le certificat d'études primaires (d'un niveau respectable de formation à l'époque), mais cela suffisait à affiner son intelligence percutante et sa perception raisonnée des événements et du cours de l'Histoire. Il avait surtout ce fondement éthique de l'engagement politique, celui-là qui fait du patriotisme une valeur supérieure et qui fait de la patrie un trésor devant lequel toutes les richesses et tous les intérêts s'estompent ou hibernent jusqu'au succès de la cause de la patrie et à la réalisation de ses objectifs de base. Aujourd'hui, autant que de son vivant, la Tunisie a besoin de F. Hached. Non la personne car cela ne se peut, mais l'esprit qu'il a légué en héritage à tous ceux qui veulent bien voir en lui une icône de l'amour de la Tunisie et de la prédisposition à la servir sans les calculs d'épicerie ni les politicardes supercheries. Aujourd'hui, la Tunisie a commémoré l'assassinat du Fondateur de l'UGTT par une marche symbolique. Mais aussi louable et nécessaire qu'est cette marche, elle ne serait rien sans l'adhésion consciente et volontaire au système de valeur qui a présidé à la vie et à la mort de Farhat Hached. Et comme par un hasard qui n'en est pas un, ce jour même de la marche deux tentatives terroristes sont mises en échec, empêchant que d'autres Hached ne tombent en martyrs de cette gangrène qui ronge le tissu sociétal de la Tunisie. Peut-être aurait-il fallu alors donner un label explicite à cette marche pour suggérer que la mort et la mémoire de Hached viennent à l'appui d'un nouveau militantisme tunisien qui n'a rien de moins que la lutte anticoloniale dans laquelle le Secrétaire général de l'UGTT s'était engagé avec toute la masse populaire qui était à ses côtés et dans les rangs de son organisation et des structures partenaires. Aujourd'hui, l'UGTT et la Tunisie entière se remémorent la mort de Hached en marge d'une consécration internationale du Dialogue national par l'attribution du Prix Nobel de la Paix au Quartet qui avait piloté et réussi ce dialogue à un moment crucial de l'Histoire contemporaine du pays. Le plus important est que, dans ce dialogue, l'UGTT et l'organisation patronale (l'UTICA) étaient côte à côte, la main dans la main pour l'intérêt national. Aujourd'hui, ce couple partenaire devient deux adversaires, incapables de trouver un terrain d'entente qui dépasse la dialectique classique de la lutte des classes pour une socialité solidaire bien insérée dans les contextes national et international et davantage soucieuse d'une paix sociale nécessaire que par les spécificités sectorielles qui ne sont certes pas à ignorer mais qui peuvent s'assouplir en considération de difficultés majeures pour les uns et pour les autres. L'âme et la mémoire de Hached attendent d'offrir un cadeau à la Tunisie pour ce 63ème anniversaire de la mort du Grand syndicaliste, les responsables de l'UGTT et ceux du patronat, tous héritiers de Hached d'une façon ou d'une autre, sauront-ils se montrer à la hauteur de la circonstance et des défis qu'elle impose. Osons croire que oui et que cela se fasse le jour même du 5 décembre ou, au plus tard, avant le 10 décembre, le jour de la réception du Prix Nobel en Suède ; cela aurait un impact international de grande importance et des perspectives prometteuses pour l'avenir. Cela confirmerait surtout la perspective heureuse et prometteuse d'une nouvelle prédisposition de la société tunisienne à l'esprit de conversation comme un fondement de la nouvelle démocratie.