• La M ain Rouge n'a jamais existé A l'invitation de l'Union Régionale du Travail, à l'occasion de la commémoration des événements sanglants du 5 août 1947, Noureddine Hached, a donné une conférence axée sur deux thèmes : l'assassinat de son père, feu Farhat Hached, fondateur de l'UGTT et l'un des grands leaders du mouvement national avec des révélations qu'il qualifie d'inédites et la mise en parallèle entre les différentes campagnes successives visant l'UGTT avec les enseignements qui en découlent. Abordant le volet relatif à l'assassinat de son père, Noureddine Hached a fait profiter les syndicalistes présents « de la primeur des éléments du dossier » que lui avait remis en personne, François Hollande, président de la République Française, lors de sa visite en Tunisie le 5 mai 2013. Documents à l'appui, il a exposé les trois principales révélations « qui se sont fait jour à partir de ces archives du Quai d'Orsay, des Affaires Etrangères et du Ministère de la Défense français. » La Main Rouge : une mystification Le conférencier s'est dit déconcerté par les surprises et les vérités qui ont éclaté à la consultation desdites archives : « Moi qui travaille sur le dossier depuis quarante huit ans, ai été littéralement époustouflé en apprenant combien nous avions été enfumés en croyant à l'existence fictive , de la soi-disant « Main Rouge », qui n'est en réalité qu'une pure invention du pouvoir colonial français destinée à nous dérouter en se camouflant derrière le nom d'une organisation fantomatique. SDECE : la main coupable En effet, il s'est avéré que c'est le pouvoir colonial français qui l'avait créée de toutes pièces pour couvrir sa responsabilité dans ce crime d'Etat. Les documents ont révélé que c'est l'Etat français - par le biais du service d'Action, dépendant directement du SDECE ( Service de Documentation Extérieure et de contre-espionnage)- qui a envoyé une équipe de France laquelle a commis ce crime odieux. En effet, contrairement à ce que l'on serait tenté de croire, les autorités françaises de la métropole, ont chargé directement ledit service de l'exécution de la sale besogne sans passer par les autorités françaises de Tunis, pour ce qui est de l'exécution. Et puis, il y a un témoignage de l'époque qui a parlé d'une jeep avec trois militaires et qui se confirme aujourd'hui » L'annihilation de Farhat Hached : une nécessité La deuxième révélation concerne la conviction de la nécessité de se débarrasser de Farhat Hached laquelle a donné lieu à la préparation et à la planification du crime à partir de mai 1952, comme en atteste un rapport du Résident général à son ministre des Affaires Etrangères dans lequel il dit : « Bourguiba et Farhat Hached ont établi une collaboration à leur retour des Etats Unis, pour faire passer la lutte nationale à un palier supérieur. Nous avons pu neutraliser Bourguiba ( emprisonné à Tabarka) et il est temps d'annihiler Farhat Hached. » Convergence des appels à l'assassinat La troisième révélation des documents est que le Résident général a tenté d'expliquer à partir de Tunis à son gouvernement que les autorités françaises à Tunis ne sont pas les seules à être gênées par Farhat Hached et par son combat en tant qu'ennemi de la colonisation, mais qu'il y a un Tunisien qui n'est pas n'importe qui puisqu'il s'agit du président de Gouvernement Slaheddine Baccouche qui demandait une solution contre lui. Noureddine Hached précise à ce propos qu'il n'a jamais accusé aucun Tunisien d'avoir participé à l'assassinat mais qu'il accuse Slaheddine Baccouche « d'avoir été partie prenante dans la mobilisation des esprits pour faciliter la tâche aux autorités françaises locales auprès des autorités de France » Vers la reconnaissance officielle du crime d'Etat ? Noureddine Hached ajoute qu'il a l'intime conviction que François Hollande est réellement prêt à reconnaître la responsabilité officielle et définitive de l'Etat français dans l'assassinat de Farhat Hached. Il a toutefois tenu à préciser qu'il manque encore des détails à son dossier ce qui exige de pousser davantage les recherches pour les découvrir. 5 août 1947 : 1ère bataille gagnée pour la survie de l'UGTT A signaler que dans sa première partie, la communication de Noureddine Hached avait fait une nouvelle lecture ou plutôt à une mise en contexte desdits événements du 5 août 1947, principalement à partir de documents et des écrits y afférents, rédigés en son temps par Farhat Hached lui-même pour expliquer ce qui s'est passé et en tirer les conclusions qui s'imposent. A ce propos, le conférencier explique : « Ces événement constituent, est-il besoin de le rappeler, la première bataille menée par l'UGTT pour sa survie et son existence. Leur importance provient du fait qu'ils révèlent une frappante similitude avec ce qui s'est passé avec Mhamed Ali El Hammi, dans les années vingt, c'est-à-dire vingt ans avant, quand les autorités coloniales ont décidé de se débarrasser de ce mouvement syndical naissant, considéré comme un danger pour la présence coloniale. Aussi bien en 1920 qu'en 1946, ces autorités ont utilisé aussi bien les moyens de répression que ceux judiciaires, à l'encontre du leader du mouvement syndical national. La nouveauté, c'est que les fondateurs de l'UGTT et du mouvement syndical de 1946, Farhat Hached en premier, ont tiré les conclusions de ce qui s'était passé vingt ans avant et cette accumulation des expériences et des luttes des années trente, avec une conscience aiguë des enjeux. Ils ont appris le métier et ils ont fignolé les principes : l'intégration du mouvement syndical dans le mouvement national et, surtout, l'adoption des éléments tactiques à même de pouvoir faire face à la première bataille qui s'est présentée. C'est grâce à ces atouts, l'UGTT était cette fois-ci plus prête et elle a gagné la bataille. » UGTT : une citadelle inexpugnable De tous les éléments susmentionnés, Noureddine Hached a dégagé une autre similitude tout aussi frappante avec les campagnes et les attaques visant l'UGTT, actuellement, c'est-à-dire 67 ans après : « Aujourd'hui, les mêmes discours et les mêmes prétextes ressurgissent et se renouvellent, faisant grief à l'Union de se mêler de politique et de questions nationales, même si pour le moment les moyens de dissuasion se limitent à des agressions verbales et d'autres physiques faisant usage de bâtons ce qui laisse présager un recours futur à des armes d'autres natures. Mais ce qui est sûr, c'est que l'histoire va se renouveler encore une fois au niveau des résultats : tout comme la génération de 1947, la 5ème génération de syndicalistes, d'aujourd'hui, gagnera assurément la bataille et renforcera la mission de l'Union en tant que défenseur du peuple tunisien et de ses causes nationales. »