Un regard d'ensemble sur la situation révolutionnaire qui prévaut, actuellement, dans le pays, révèle un différend entre la centrale syndicale et le gouvernement provisoire en dépit de négociations menées entre le président par intérim, Foued Mebazaa et Mohamed Ghannouchi, Premier ministre, d'une part, le secrétaire général de l'Union générale du travail de Tunisie (UGTT), Abdessalem Jerad, d'autre part. A la base de ce différend qui nous rappelle les années de braise des années 70 et 80, la centrale syndicale refuse, catégoriquement, d'adhérer à un gouvernement d'union nationale au sein duquel siègent d'anciens ministres de Ben Ali. Elle n'admet que le Premier ministre nommé, conformément à l'article 57 par le chef de l'Etat par intérim. La centrale, qui a accepté de se faire représenter à ce gouvernement par trois universitaires, Abdejelil Bedoui, Houcine Dimassi et Anouar Ben Gueddour, a retiré ses ministres un jour après la constitution de ce gouvernement dont la composition a été rendue publique sans la concertation de l'UGTT. Sur le terrain, les syndicats ont tendance à intensifier les appels à la grève et à mettre la pression sur le gouvernement provisoire afin de lui soutirer le maximum de concessions. Selon nos informations, le Premier ministre aurait lâché du lest et accepté de ne retenir que trois anciens ministres dont Afif Chelbi, ministre de l'Industrie et de la Technologie, Nouri Jouini, ministre de la Coopération internationale. On apprend également que Mohamed Jegham serait pressenti à l'Intérieur, alors que Mohamed Ghannouchi cumulerait le Premier ministère et la Défense. Les grèves générales observées dans les régions, tout autant que les grèves sectorielles, particulièrement celles du secteur de l'enseignement, n'ont pas été du goût d'une population meurtrie et jalouse de la poursuite des études de leurs progénitures. Une attitude que les partisans du gouvernement provisoire et les thuriféraires de l'ancien régime ont exploitée pour organiser des contre-manifestations, risquant d'entraîner le pays dans une guerre civile. Les incidents les plus graves ont eu lieu à Gafsa, entre des prestataires de services (taxistes et autres .) et les syndicalistes, et à un degré moindre, à Tunis, entre partisans et opposants du gouvernement provisoire (mardi 25 janvier 2011). Pour d'autres, le différend entre UGTT et le Gouvernement provisoire serait dû à d'autres motifs. Par son niet de se faire représenter au gouvernement provisoire, la centrale protesterait contre le refus de ce dernier de dispenser les membres du bureau exécutif de l'Union des investigations de la Commission nationale d'établissements des faits sur les affaires des malversations et de corruption. C'est dans cette optique que la base syndicale entend, à travers l'intensification des grèves «politiques» pousser l'actuel bureau exécutif de la centrale syndicale à démissionner. Pour mémoire, rappelons que, jusqu'à la veille de la fuite de l'ancien président, l'actuel bureau exécutif avait, dans son agenda, le projet d'amender son règlement intérieur en vue de supprimer l'article 10, suppression qui lui permettrait de se faire reconduire pour un autre mandat. Selon nos informations, le président Ben Ali comptait beaucoup sur cette échéance pour s'en inspirer et briguer un autre mandat à partir de 2014. C'est pour dire que ce différend ne manque pas d'enjeux pour les uns et les autres.