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Tunisie : Ridha Najar, «Les médias sont passés d'une langue de bois, à une liberté débridée»
Publié dans WMC actualités le 01 - 03 - 2011

Mohamed Ghannouchi, Premier ministre, a démissionné au bout de presque 12 ans de bons et loyaux services y compris près d'un mois dans le gouvernement de transition. Dans son discours d'adieu, M.Ghannouchi a, entre autres, déploré l'attitude des médias qui auraient été pour beaucoup dans sa démission. Diffusée à la télévision nationale, la déclaration d'un jeune manifestant appelant à l'exécution de l'ancien Premier ministre, ne relève pas de la liberté de la presse, sous d'autres cieux, elle tomberait sous le coup de la loi pour l'incitation au meurtre, à la violence et à la haine.
Ceci pose devant nous une problématique de taille. Les médias tunisiens ont-ils été à la hauteur de la révolution? Ont-ils su informer en toute objectivité, en toute responsabilité, dans le respect des droits des individus, de leurs vies privées et de leurs droits à la présomption d'innocence? La déontologie professionnelle a-t-elle été respectée ?
Entretien avec Ridha Najar, ancien DG du CAPJC, expert en médias et Fondateur de NMC Consulting.
WMC: Comment définiriez-vous la situation actuelles des médias tunisiens d'après la révolution? Une information brute sans aucun traitement, des jugements de valeurs sans vérification des données et des sources et des attaques personnelles s'apparentant plus à une chasse aux sorcières qu'à une information saine et crédible. Est-ce cette liberté là que nous espérions ?
Ridha Najar: Tout d'abord, parlons de la suppression du ministère de la Communication, est-ce une décision logique? Ce que nous voulions c'était mettre fin à la censure et à ses pratiques mais pas effacer de la carte ministérielle tunisienne le Département de tutelle de la Communication.
Avant la création récente de l'Instance nationale indépendante pour le secteur de l'information et de la communication (qui a remplacé le Conseil supérieur de la communication) et la nomination à sa tête de notre confrère Kamel Labidi, à qui fallait-il s'adresser pour avoir l'autorisation de lancer une chaîne de radio ou de télévision. A qui fallait-il s'adresser pour réformer le Code de la presse. Quelle instance paritaire pouvait délivrer les cartes professionnelles des journalistes? Qui pouvait réguler le temps de la publicité à la télévision et à la radio? Qui pouvait demander le retour au dépôt légal des périodiques, supprimé démagogiquement par le président déchu? Et bien d'autres interrogations qui seraient demeurées sans réponse!
Pour en revenir à votre question: Nous vivons aujourd'hui au sein des médias des débordements inadmissibles. Certes, sur toute la société, médias confondus, pesait une chape de plomb. Mais comment peut-on laisser appeler au meurtre de Mohamed Ghannouchi sur antenne et ne pas réagir, instantanément, vigoureusement? J'aurais, personnellement, arrêté le débat, demandé à l'invité de retirer ses paroles, de s'excuser sur le champ, faute de quoi il était exclu du plateau! Il s'agit là de l'ABC de la loi sur la presse et de la déontologie professionnelle, partout dans le monde.
Les médias, surtout radio et télé, ont été donc grisés par cette liberté soudaine qu'ils n'ont pas réussi à maîtriser. D'où ces débordements dans tous les sens. Quel gâchis! Dommage!
Les conséquences de ces débordements sont aussi néfastes pour les médias que pour le public…
Nous sommes passés d'une ère de langue de bois au service du régime à une liberté débridée qui a dépassé les bornes et n'a pas respecté les règles élémentaires du professionnalisme, qui n'a pas respecté la vie privée, qui s'est complu dans la facilité et n'a pas respecté les règles de la déontologie. Pas de vérification des faits, pas de recoupements des sources, pas de respect de la vie privée, pas de respect de la présomption d'‘innocence! Pas de montage intelligent des interviews. Du temps réel à l'antenne, à chaud, à vif. Du simple copier-coller ou de la simple présentation de microphone.
Aux premiers jours de la révolution, par leur agitation, les médias ont même participé à terroriser le peuple en diffusant des messages en direct et sans aucune espèce de contrôle pour distinguer les véritables appels au secours de ceux visant tout juste à semer la confusion dans les rangs de l'armée et de la police nationales.
Assez! Les médias doivent retrouver leur sérénité, leur professionnalisme, le respect de la vie privée, le respect de la présomption d'innocence. Des Tunisiens sont accusés nommément de délits sans aucune vérification des faits et en direct sur antenne. Il ne s'agit pas de censure mais de responsabilité du journaliste. Il est grand temps que nous apprenions cette nouvelle culture de la démocratie qui passe par le respect de la liberté de l'autre, de la différence. Il est grand temps de rappeler que la liberté de l'information n'est pas illimitée et qu'elle s'accompagne de la responsabilité sociale de l'informateur. Mais n'est pas journaliste qui veut!
Il ne faut cependant pas s'affoler ou revenir à la censure. La seule solution est la responsabilisation, le professionnalisme et le respect des règles de la déontologie. Pour ne citer que les animateurs, ils se ont été jetés sur antenne et en direct sans formation et sans aucun apprentissage préalable, ce qui explique certains dépassements, mais ils apprendront. La liberté charrie avec elle certaines dérives, c'est la rançon de la liberté.
Comment pourrions-nous y arriver?
En étant aussi professionnels que possible. Nous avons un grand chantier au niveau des textes qui régissent le secteur. Le code de la presse a été charcuté, ses lacunes sont évidentes tout comme le vide sidéral qui règne au niveau de la réglementation de la presse électronique ou de la communication audiovisuelle. Ne parlons pas de l'autorégulation de la profession! Il n'y a pas de véritable association des patrons de presse, fantoche depuis des décennies. Il n'y a pas de structure de justification de la diffusion. Il n'y a pas d'association d'annonceurs. Il n'y a pas d'association de publicitaires représentative du secteur. Tous ces acteurs du secteur de la communication doivent commencer par balayer devant leurs portes et s'autoréguler. Parce qu'il n'y a pas que le Code de la presse pour régir le secteur des médias, il y a également l'autorégulation et la co-régulation avec l'Etat.
Donc, il y a un travail législatif fondamental à réaliser. L'autorité de régulation à asseoir doit être indépendante, transparente, pluraliste, avec un pouvoir exécutoire. Le Conseil supérieur de la Communication, dont personnellement j'ai fait partie, était purement consultatif. Sa composition était inadéquate parce que ses membres, représentants des médias, étaient juges et parties. D'où l'importance d'une autorité de régulation qui détient le pouvoir de contraindre et d'intervenir en cas de dépassements dans le sens de la régulation et non pas de la censure.
Sur un autre plan non moins important, il faut sortir le service public audiovisuel (et même écrit: TAP, La Presse) de la coupe de l'exécutif pour les mettre dans le cadre d'un véritable service public, au service du citoyen et non pas en tant que porte-voix du gouvernement. Il faut revoir les textes et les cahiers de charge de ces organes. Le service public n'a pas à faire la course à l'audimat comme le privé. Il n'a pas à brader son indépendance, son antenne et son argent sous forme de bartering.
Il l'a pourtant fait du temps de l'ancien régime que ce soit dans les feuilletons du mois du Ramadan ou les émissions d'animation?
Hélas. Le bartering que pratiquait la télévision publique avec la société Cactus Production a causé beaucoup de tort à la télévision nationale. En occupant quatre soirées en prime time tout en préparant une cinquième soirée, en plus de l'après-midi du dimanche avec «Soufiane Show». Une émission insensée où l'on déguisait nos enfants en chanteurs de cabarets.
Tout un travail législatif doit être mis en place pour que ce genre de pratiques ne se répète plus.
Mais, au-delà des textes législatifs, il y a un énorme travail à faire sur nos pratiques, notre culture et nos mentalités. Ceci, bien entendu, exige du temps. La culture démocratique ne se décrète pas, on l'apprend.
Avez-vous remarqué que les Tunisiens criaient à la télévision? C'est parce qu'ils ne sont pas habitués à parler. Ils ont été bâillonnés pendant des décennies. S'ils avaient été habitués à s'exprimer, ils l'auraient fait sereinement. La phase que nous vivons est, j'espère, transitoire. Il y a un psychodrame social, une espèce de catharsis collective. Il faut que les gens exorcisent leurs frustrations et leurs peines pour passer à autre chose.
Qu'en est-il de la profession? Nous avons l'impression que c'est complètement chaotique, nous ne savons pas qui est journaliste de qui ne l'est pas, qui est animateur ou animatrice, qui est blogueur de celui qui ne l'est pas? Une confusion surprenante des genres. Quels sont les mécanismes à mettre en place pour préserver la profession de journaliste et le secteur des médias ?
J'estime que le professionnalisme est la condition nécessaire et incontournable pour de bonnes pratiques médiatiques. La liberté de presse est un parcours de 100 m où il y a 80 m de professionnalisme et 20 mètres de lutte contre tous les pouvoirs (politique, économique, mais aussi syndical, religieux et régional). N'oublions pas qu'Il y a eu des printemps pour la presse tunisienne. Des publications comme Dialogue, Le Maghreb, Le Phare, Errai avaient imposé une certaine liberté de presse dans un régime pourtant, à l'époque, à parti unique.
Au plan professionnel, et le syndicat national des journalistes l'a bien compris, il faudrait commencer par nous-mêmes. Il a mis sur place une Commission de la déontologie présidée par notre confrère Manoubi Marrouki. Il faut donner à cette commission des moyens pour agir. Certaines voix s'élèvent pour transformer le Syndicat en Ordre. Je suis très sceptique s'agissant d'un Ordre qui interdirait à un citoyen de devenir journaliste sous prétexte qu'il n'a pas fait des études de journalisme. Personnellement, j'ai toujours estimé que le journalisme devait rester une profession ouverte. Par contre, là où les journalistes ont raison, il faudrait mieux règlementer les conditions d'attribution de la carte professionnelle et obliger les médias à engager 50% de diplômés dans la rédaction. Les textes de loi le stipulent, les patrons de presse ne le font pas.
C'est le code du travail qui organise le métier de journaliste, il doit être appliqué. Il faudrait redéfinir les frontières en se rappelant que les journalistes ne sont plus seuls sur le terrain, ils ont en face d'eux des citoyens journalistes grâce aux nouvelles technologies de l'information. Le cyberespace a été très présent dans la révolution tunisienne.
Dans cette mise à niveau, n'oublions pas les patrons de presse car les journalistes ne sont pas les seuls maîtres du terrain. Où sont les chartes déontologiques des entreprises de presse? Les patrons de presse ont une grande responsabilité. Et là, quel que soit le professionnalisme des journalistes, s'il n'existe pas une charte minimale qui associe les journalistes et les patrons de presse dans des règles déontologiques et professionnelles, on n'aura rien de bon comme produit.
Quels sont les garde-fous à mettre en place pour se défendre contre le pouvoir des réseaux sociaux qui menacent même l'équilibre économique du pays?
Ce qui a donné autant de pouvoir aux réseaux sociaux est dû au fait qu'en tant que médias, nous ne jouions pas notre rôle de quatrième pouvoir. Dans l'absence d'une information professionnelle et crédible, les gens se sont réfugiés sur les réseaux sociaux, jusque dans la rumeur, l'insulte, la diffamation, les ragots et autres plaies en matière de communication sociale.
Les réseaux sociaux ne sont pas faits pour remplacer les médias d'information mais pour une communication interactive entre les citoyens. A chacun sa fonction. Il y a toutefois un signe positif, les Tunisiens reviennent à l'achat des journaux, parce qu'aujourd'hui, ils trouvent une autre qualité d'information. En fait, la seule manière de se distinguer des réseaux sociaux, c'est de proposer une presse crédible et de qualité. C'est ce qui distinguera le journaliste du citoyen.


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