Les réseaux sociaux sont capables du meilleur comme du pire. Et les nuisances peuvent être gérées par la loi et par la pédagogie. En inventant, en 1867, la dynamite, le Suédois Alfred Nobel ne savait peut-être pas que son uvre allait être à la fois appréciée et vilipendée. «Pour certains, son invention va offrir la possibilité de venir à bout des carrières les plus résistantes, pour d'autres, elle favorisera la mort d'innocents», soutenait, en substance, un journaliste suédois, quelques jours après la mort du père de la dynamite, et du Prix Nobel de la paix, en 1896, dans sa coquette villa à San Remo (Italie). Cette réflexion peut-elle, aujourd'hui, être appliquée aux réseaux sociaux (Facebook et Twitter notamment) qui ne cessent de faire l'objet d'une polémique? Ils constituent, en effet, un extraordinaire outil de liberté donnant la parole à tous et assurant un accès démocratique à l'information. Ce qui explique les attaques des censeurs de tout bord à leur égard. Par divers moyens: censure évidement, mais aussi arrestations, emprisonnements, tortures des utilisateurs, Des pratiques qui ont été largement utilisées sous l'ancien régime, celui du président déchu de Ben Ali. Non régulé, l'Internet d'une manière générale est capable également du pire. Dans un communiqué rendu public le 24 mars 2011, le ministère tunisien de l'Intérieur a mis «en garde contre le danger que représente l'utilisation du réseau social Facebook par certaines personnes qui se cachent derrière des pseudonymes pour proférer des menaces, inciter à la violence et aux troubles et à l'atteinte aux personnes et aux biens». Le phénomène n'est pas nouveau. Il est mondial. Il ne concerne donc pas la seule Tunisie. La presse dans tous les pays du monde a souvent attiré, à ce propos, l'attention sur «une explosion de la haine sur Internet». Dénonçant même l'usage démesuré «des sites web, des blogs, des forums de discussions et des réseaux sociaux et autres courriels en chaîne» pour propager «une cyberhaine». Mais que faire? Chacun y va, à ce niveau, de sa solution. La plupart pensent qu'il faut manier, pour ainsi dire, la loi et la pédagogie. D'abord, la loi doit être appliquée. Dans tous les pays du monde, un arsenal juridique existe. Il concerne les multiples crimes et délits: diffusion de fausses nouvelles, insultes, injures, diffamation, appels à la haine, atteinte à l'ordre public.. . Le communiqué du ministère de l'Intérieur n'a pas caché le recours à la justice. En soutenant que «le ministère s'engage à mettre tout en uvre pour identifier ces perturbateurs et leurs complices et les traduire devant la justice, conformément à la Loi». Les défenseurs du recours à la loi peuvent s'appuyer sur la jurisprudence. Ainsi, en janvier 2010, un tribunal de Brest (ville du Nord-ouest de la France) a condamné à trois mois un automobiliste qui avait injurié sur son profil de Facebook des gendarmes après un banal contrôle routier. Des contenus multiples Mais rien ne vaut la pédagogie. Les médias, la société civile, l'école et la famille, dont le rôle est sans cesse mis en exergue, se doivent d'expliquer que les réseaux sociaux délivrent des informations qui nécessitent d'être vérifiées et sans cesse testées quant à leur contenu et à leur origine. Ces acteurs se doivent d'insister sur le fait qu'Internet, d'une manière générale, offre des contenus multiples. Les spécialistes distinguent, à ce juste propos, trois types de contenus: les contenus commerciaux (entreprises) et institutionnels (structures publiques, partis et associations), les contenus sociaux (réseaux sociaux, blogs, forums, ) et les contenus éditoriaux (médiaux). L'origine de ces contenus est essentielle dans la mesure où ils ne sont pas produits et diffusés avec la même rigueur. Il est admis que les contenus produits par les médias sont le plus souvent vérifiés et se font un honneur de respecter la déontologie journalistique, qui est une règle de base dans la pratique du métier journalistique. Une expérience pour tester la valeur des informations publiées sur les réseaux sociaux a été, à ce titre, menée en France en février 2010. Lorsque cinq journalistes se sont isolés dans une ferme du Périgord (région du Sud-ouest de la France). Avec pour seule source d'information Facebook et Twitter. Baptisée «Huis clos sur le Net», l'opération a démontré, au travers d'un simple fait divers -un avion a, dans la région de Lille (ville du Nord de la France), franchi le mur du son- que les Internautes pouvaient fabuler. Ainsi cet incident était devenu sur Facebook «un accident d'avion», «une explosion d'un immeuble», et même «un tremblement de terre» voire «un accident nucléaire». Conclusion des auteurs de cette expérience, largement relatée par la presse française: «les réseaux jouent un rôle d'alerte», mais ne sont pas «suffisants» pour s'informer des affaires du monde. Même si personne ne nie que les médias ont tout intérêt, et pour des raisons évidentes, d'être sur les réseaux sociaux. Qui constituent un outil essentiel pour assurer une réelle interactivité et un thermomètre social.