2,1 millions d'inscrits sur les listes électorales au 2 août 2011: le chiffre tombe comme un couperet pour nombre d'observateurs de la scène politique tunisienne. Cela veut dire, lance l'un d'entre eux, que si l'opération d'inscription s'était arrêtée au 2 août, comme initialement prévu, seulement 28% des Tunisiens en âge de voter (environ 7 millions) auraient accompli ce devoir. Décevant! Cela dit, des informations recueillies auprès de milieux avisés estiment que l'Instance indépendante des élections serait fort contente si le pourcentage atteignait 50-60%. Et les discussions vont bon train pour expliquer ce que certains appellent «une démotivation» évidente des Tunisiens pour les inscriptions sur les listes électorales. Chacun y va de sa grille de lecture. De la plus farfelue à la plus ou moins plausible. En l'absence, sans doute, d'analyses faites à partir d'entretiens qualitatifs. Le Tunisien, un véritable «assisté» La période de l'été est-elle pour quelque chose, période marquée par de fortes chaleurs et par le farniente? Il y a évidement ceux qui défendent cette vision des choses. Celle-ci est conjuguée avec la paresse du Tunisien qui ne se mobilise que difficilement. Une brève de comptoir nous dit que le Tunisien ne se déplace que lorsqu'il sait que s'il ne le fait pas il risque gros: une coupure d'électricité, d'eau ou du téléphone, une amende, une interpellation, On ajoute, à ce niveau, que le Tunisien a toujours vécu, en la matière, en véritable «assisté». Les listes électorales étaient «confectionnées» par l'administration. Rares étaient les citoyens qui se déplaçaient aux municipalités pour s'assurer du fait qu'ils étaient ou non inscrits. Les citoyens se voyaient même remettre leur carte électorale, souvent, chez eux par un préposé de l'administration. Les mécanismes étaient bien huilés. D'autres invoquent un déficit de communication. Difficile à croire avec «le tapage» fait dans les médias autour de l'opération d'inscription. Pourtant, ils persistent et signent, soutenant que les Tunisiens ne voient pas clair. Et si les Tunisiens n'étaient pas convaincus? Pourquoi s'inscrire? Que se passera-t-il si l'on ne s'inscrit pas? Ne pourra-t-on pas voter? Et s'inscrire pour quelle élection? Certes, pour l'élection des membres de la Constituante, mais a-t-on déjà tracé les contours de celle-ci? Quel est le mandat de la Constituante? Celle-ci devra-t-elle désigner un président, un gouvernement provisoire et légiférer? Pour combien de temps celle-ci sera-t-elle élue? Certaines analyses ne manquent pas de souligner que la «démotivation» du Tunisien a une seule et unique explication: il ne sait pas à quelle sauce il sera mélangé. Et ces analystes d'insister sur le fait qu'il s'agit là des vraies questions que ni les médias ni les partis politiques, soucieux tout d'abord, de faire le plein des voix, n'apportent des réponses. Engagé sur cette piste, le débat prend très vite une autre tournure. Et si les Tunisiens n'étaient pas convaincus de l'élection d'une Constituante. Ce choix n'a-t-il pas été imposé par une «minorité» qui «a fait prévaloir ses vues en manuvrant aux sit-in de La Kasbah 1 et La Kasbah2» d'où sont sortis la Constituante? Profusion de partis politiques Après tout, personne n'a posé la question aux Tunisiens. Entendez par-là par référendum. Pour des observateurs, tout le monde sait où peut mener ce débat: amender la Constitution de 1959 ou en faire une autre élection présidentielle ou d'une Constituante? On n'est pas sorti de l'auberge. Une autre piste pour expliquer la «démotivation» des électeurs: l'insécurité dans le pays, les grèves et autres sit-in qui ne sont pas de bon augure. Il y a crainte que les mouvements s'accélèrent au fur et à mesure de l'exécution du processus électoral. Egalement la profusion de partis politiques qui n'ont pas montré, aux yeux de quelques-uns, de civisme mais un souci ardent de prendre un coin de pouvoir et dont les programmes se ressemblent comme deux goutes d'eau lorsqu'ils ne sont pas méconnus par la grande masse. Les thèses les plus farfelues circulent, par ailleurs. Ainsi, des bruits de comptoirs parlent de véritable «complot» ourdi par des parties qui souhaitent faire échouer l'élection du 23 octobre 2011. Histoire de mal faire démarrer le processus électoral. Mais aussi avec une idée dernière la tête: contester la légitimité d'une Constituante élue par une minorité de Tunisiens. Cela s'appellerait du Machiavélisme tout craché!