Le dernier rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT), publié en septembre dernier sur la Tunisie, n'est pas tendre envers les employeurs tunisiens. Et pour cause! Pour les experts de l'organisation, alors que la productivité a progressé d'environ 3% entre 2004 et 2007, les salaires réels n'ont augmenté que près de 2% en moyenne annuelle en Tunisie. C'est pour cette raison, et bien d'autres du reste, que le rapport plaide pour un nouveau contrat social pour une croissance juste et équitable". Réalisé par l'Institut international d'études sociales, qui relève du Bureau international du travail (BIT), le document examine la situation économique et du marché du travail en Tunisie, et souligne que "les salaires en Tunisie sont faibles et le niveau d'investissement privé reste au-dessous des prévisions (-1,2 point entre 1990 et 2007), malgré des taux de profit en hausse". Toujours selon ce document, le marché tunisien de l'emploi est confronté à des faiblesses structurelles. Conséquence: "la croissance économique en Tunisie était fondamentalement inéquitable, dans la mesure où l'économie n'a pas créé suffisamment d'emplois ni réussi à les maintenir en fin de compte Entre 2004 et 2007, une création nette de 77 mille emplois a été enregistrée, mais il s'agissait en majorité de postes peu qualifiés". Autres faiblesses signalées par le rapport de l'OIT, le décalage entre les emplois créés et les compétences de la main-d'uvre, car le taux de chômage pour les diplômés du supérieur a grimpé de 14% en 2005, à près de 22% en 2009, alors qu'il a reculé pour les personnes non diplômées pendant la même période". L'émigration de travailleurs tunisiens, notamment parmi les plus qualifiés (en Europe, le nombre a doublé au cours des années 1990), est également pointée du doigt par le document de l'OIT. Mais «avec la crise mondiale actuelle, l'accès aux marchés du travail étrangers est devenu plus difficile», ce qui accentue les tensions sociales internes, estiment les experts de l'OIT. Alors, compte tenu de ce qui précède, l'OIT souligne que «le nouveau contexte politique représente une véritable chance d'accès à la croissance pour tous et donc à la prospérité réelle». A condition cependant de «mettre en place un nouveau modèle de croissance» à même de «promouvoir la création d'emplois pour les jeunes, la transparence et la responsabilité, ainsi que l'amélioration du dialogue social». Pour ce faire, l'OIT considère indispensable «de libérer le potentiel d'investissement, via la surveillance de l'utilisation et du rendement des fonds publics, le renforcement de la lutte contre la corruption, l'encouragement du développement des marchés financiers et l'assouplissement des restrictions imposées aux investissements». Outre ces mesures, les experts de l'organisation recommandent également à la Tunisie de stimuler la qualité des emplois à travers la promotion des droits liés à l'emploi, d'améliorer le salaire minimum, d'étendre la protection sociale pour réaliser une couverture efficace, et de mettre en uvre un système de prestations de chômage plus complet». Si dans son ensemble ce rapport de l'OIT est à saluer, il est à craindre que certaines organisations sociales (comme l'UGTT) s'en servent contre les entreprises tunisiennes, et donc aux dépens de l'économie nationale.