Convaincu que les PME (Petites et Moyennes Entreprises) et les TPE (Très Petites Entreprises) «représentent la véritable épine dorsale de l'économie tunisienne», d'autant qu'«elles ont eu le mérite de s'adapter à un climat des affaires contraignant en créant de la valeur ajoutée et de l'emploi», IDEES (Initiative pour le développement économique et social), le think tank créé par Elyès Jouini, pour contribuer à la réflexion sur les problèmes économiques et sociaux de la Tunisie et les solutions qu'il convient d'y apporter, vient de publier une note présentant les résultats de sa réflexion «collaborative» -puisque l'initiative est ouverte à toutes les bonnes volontés désireuses d'y participer- sur le sujet. Sans appel, le diagnostic relève cinq faiblesses et dysfonctionnement pénalisant les PME/TPE. Le premier tient à la concurrence déloyale ayant cours en Tunisie. La concurrence déloyale est exercée par «la distribution sur le marché parallèle (secteur informel), l'évasion fiscale, l'évitement de la contribution à la Sécurité sociale, la contrefaçon et les pratiques anticoncurrentielles ». Or, face à ce «fléau» qu'est le secteur informel, les pouvoirs publics ont «opté pour un arbitrage au profit du social et au détriment de la rationalité». Le deuxième dysfonctionnement est une «injustice fiscale source de graves distorsions», en l'occurrence l'opposition entre les «régime réel» et «régime forfaitaire». Les entreprises soumises au premier régime supportent une charge fiscale et sociale très lourde. Celles relevant du régime forfaitaire d'imposition «ne contribuent que très faiblement à l'effort fiscal du pays et ne supportent pratiquement pas de charges sociales». Or, ce dernier régime dans lequel l'impôt «est fixé selon la nature de l'activité exercée, sur la base d'un taux du chiffre d'affaires annuel déclaré» constitue, selon IDEES, «une véritable échappatoire à la fiscalité réelle», en raison de la non-obligation pour les forfaitaires de tenir une comptabilité et de «l'absence de structure de contrôle fiscal efficace» qui favorise «les déclarations minimalistes du chiffre d'affaires». Et le manque à gagner pour la collectivité est d'autant plus grand que le nombre de bénéficiaires de ce régime augmente de manière exponentielle: de 140.000 en 1989, il est passé à 375.000 en 2010. Troisième faiblesse: l'impôt sur les sociétés est «contraignant» et constitue une entrave au développement des PME. Certes, un taux de pression fiscale de 20,1% du PIB et 30% de pression des prélèvements obligatoires en tenant compte des charges sociales- peut paraître «rassurant» et «comparativement raisonnable», puisque situant la Tunisie au même niveau que les Etats-Unis (28%) et du Japon (27%). Toutefois, la note d'IDEES estime que ce taux n'est plus compétitif par rapport à celui pratiqué «dans la majorité des systèmes fiscaux», notamment ceux dans les concurrents de la Tunisie en Europe centrale et de l'Est. Et même dans les pays ayant un taux d'IS proche de celui de la Tunisie, constate la note, -comme en France où il est de 33,33%- il a ramené à 15% pour les PME, et même à 10% au Royaume-Uni. Le quatrième dysfonctionnement a lui aussi trait à la fiscalité et consiste en des «ponctions» jugées étouffantes pour la trésorerie de l'entreprise. Il s'agit de la TVA et autres retenues à la source, acomptes prévisionnels et avances. D'autant que le crédit d'impôt qui en découle très souvent est «difficilement restituable» -du moins jusqu'à ce que la loi de finances 2011 viennent assouplir un peu les formalités- et, selon IDEES, «dissuasif, dans le sens que beaucoup d'entreprises renonçaient à demander la restitution par crainte d'un contrôle fiscal fortement redouté». Mais ces mêmes entreprises comptent très souvent cette perte en «pratiquant la fraude fiscale». Cinquième dysfonctionnement constaté par la note d'IDEES, les allègements fiscaux, opérés sans aucune étude d'impact, sont «discriminants». Conçus pour aider à la relance de l'investissement en cas de crise, les privilèges et autres allègement fiscaux sont accordés en Tunisie à un grand nombre de contribuables. Mais lorsqu'ils sont décernés «dans un contexte de rigidités structurelles et de climat d'affaires contraignant», comme c'était le cas en Tunisie avant le 14 janvier 2011, ces allègements n'atteignent pas leur objectif et ont pour principal effet de «convertir certains investisseurs opportunistes en chasseurs de primes et avantages fiscaux». (A suivre)