Le régime fiscal forfaitaire, impôt fixé sur la base du chiffre d'affaires annuel, exonéré de la TVA et appliqué aux petites entreprises exerçant une activité industrielle, artisanale, commerciale ou de prestations de services, est de plus en plus pointé du doigt comme une passerelle pour frauder le fisc. L'exigence de la transparence et de la justice fiscale est désormais revendiquée avec force par les contribuables honnêtes. Est-il besoin de rappeler que l'impôt forfaitaire profite en priorité aux activités parasites telles que le secteur informel, par principe foncièrement en fraude. La contribution de cette catégorie de contribuables aux recettes fiscales de l'Etat, lorsqu'elle a lieu, est, du reste, très modeste. Elle est surtout loin de rassurer l'entreprise transparente et de satisfaire aux besoins financiers de l'Etat. Par définition, les activités du secteur informel sont, soit des entités qui échappent totalement à l'emprise du fisc, soit des forfaitaires. Ce resquillage fiscal crée de la frustration chez le contribuable «honnête» ou chez celui qui ne peut pas frauder (le salarié). Pis, le nombre des forfaitaires ne cesse d'augmenter. Il est estimé, actuellement, à plus de 350 mille contre 90 mille pour le régime réel tandis que le produit de l'impôt forfaitaire est tellement faible qu'il ne parvient pas à couvrir les frais de sa perception. Dès lors, ce sont les salariés dont le revenu est soumis à la retenue à la source, ainsi que les entreprises soumises au régime réel qui supportent l'essentiel de la charge fiscale au titre des impôts directs. Moralité : l'ampleur du secteur informel et le nombre des forfaitaires constituent, avec leur faible contribution au titre des prélèvements obligatoires, une source de concurrence déloyale et un autre facteur qui pénalise les entreprises fiscalement «honnêtes». Le ministre des Finances, M. Mohamed Rachid Kechiche est de plus en plus interpellé sur cette question. Lors des traditionnelles journées de l'entreprise (11 et 12 décembre 2009), des panelistes ont recommandé au ministre de traquer les faux forfaitaires, de procéder au rating des contribuables ciblés afin d'évaluer leur degré de solvabilité. Et pour ne pas léser certains forfaitaires honnêtes, ils ont recommandé de mettre en place un régime fiscal propre aux PME et PMI qui représentent, actuellement, 95% du tissu industriel tunisien, d'évaluer périodiquement l'impact des avantages fiscaux accordés à ces entreprises et aux sociétés off shore. Dans sa réponse, le ministre a tenu à préciser, à propos de ce régime, qu'il s'agit plus d'un problème d'application de la loi plutôt que d'un problème de réglementation, et a appelé à lutter contre les faux forfaitaires. Il a lancé un appel aux différents partenaires de l'administration fiscale en vue d'engager un débat sur ce sujet afin d'identifier des solutions pratiques devant consolider les bases d'un système fiscal transparent et équitable. Le ministre n'est pas au bout de sa peine. Quelques jours après les journées de l'entreprise, il a été apostrophé par les sénateurs sur le régime forfaitaire dans le cadre du débat budgétaire. Dans sa réponse, le ministre est allé plus loin. Il a révélé quelques nouveaux éléments d'information sur les difficultés que rencontre l'administration fiscale pour contrôler les forfaitaires. Il a, notamment,souligné l'intérêt que porte son département à la mise en place d'un nouveau cadre réglementaire et institutionnel devant aider les agents du fisc à vérifier avec plus de rigueur la véracité des déclarations des forfaitaires. Décryptage : l'administration fiscale est consciente des dérapages de ce régime et s'apprête à le revoir au nom de l'équité fiscale d'autant que le contrôle et le recouvrement de l'impôt n'est presque possible, selon le ministre, que dans les secteurs commercial et industriel. Deux secteurs où les conditions et paramètres du contrôle objectif sont réunis (stock, nature de l'activité, superficie du magasin, nombre des employés ). Comme issue de sortie, le ministre a promis une amélioration de la situation à la faveur d'une nouvelle réforme fiscale qui sera engagée dans le cadre du programme présidentiel (2009-2014). L'objectif de cette réforme est «de mettre au point un système fiscal moderne, d'améliorer l'environnement des affaires, d'alléger la pression fiscale sur l'entreprise et de réaliser la justice fiscale à travers l'élargissement de l'assiette fiscale».