Ennahdha a certes commis, depuis son accès au pouvoir, des dizaines d'erreurs et de bavures, mais celles-ci étaient toutes gérables et à la limite pardonnables pour des nahdhaouis qui n'ont pour mérite que d'avoir fait, un jour, de la prison pour une cause fort discutable d'ailleurs (islamisation d'une Tunisie musulmane, depuis 14 siècles). Ces erreurs ont, néanmoins, tendance à prendre, au fil des jours, une tournure plus grave, voire plus criminelle. C'est le cas de certains projets à vocation économique qui, si rien n'est fait pour les empêcher, risquent de compromettre, sérieusement, la souveraineté et l'indépendance du pays. A priori, cela n'est guère surprenant de la part des nahdhaouis qui ont prouvé, depuis presque une année au pouvoir, qu'ils sont «plus islamistes que tunisiens» et qu'ils peuvent, pour se maintenir au pouvoir, vendre le pays. Cette démarche fâcheuse est perceptible à travers la refonte du Code d'incitations à l'investissement laquelle, pour peu qu'elle se fasse dans l'esprit qui prévaut actuellement au sein du gouvernement, risque de consacrer, à jamais, la dépendance du pays des investisseurs étrangers et la perte de sa souveraineté. Selon Riadh Bettaieb, ministre de l'Investissement et de la Coopération internationale, le nouveau code d'investissement en Tunisie (nouvelle appellation du code) sera fin prêt, d'ici la fin de cette année, et sera élaboré avec «le concours logistique et financier de plusieurs partenaires étrangers». M. Bettaieb, qui était interviewé par Radio Express Fm, a annoncé que le Département américain du Commerce se chargera du benchmarking entre les codes d'investissement de pays comparateurs comme la Malaisie, Turquie, Singapour, Jordanie et Maroc, la Banque européenne d'investissement (BEI) étudiera le rapport compétitivité-emploi, l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) évaluera le rendement des incitations, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) étudiera l'intégration socio-économique de l'investissement et l'International financial corporation (IFC, ex-SFI) payera les experts devant contribuer à l'élaboration de ce code. Moralité: le nouveau code, qui constitue le deuxième évènement de la révolution après l'élaboration d'une Constitution pour le pays, sera ainsi concocté par des étrangers qui se réclament en plus de l'ultralibéralisme, c'est-à-dire ce même mode de développement qui a poussé les Tunisiens à descendre dans la rue et à faire leur révolution. Réagissant à chaud à cette déclaration, Mohamed Chawki Abid, ancien conseiller auprès de la présidence de la République, a déclaré que «ce qui est plus surprenant, c'est que le gouvernement des "Performances" ait confié l'élaboration des études stratégiques à des Institutions relevant des Asservisseurs financiers classiques, ayant mordu à l'hameçon de leur prise en charge financière; et d'ajouter: «Moralité de l'histoire: le gouvernement nahdhaoui marginalise nos compétences (experts, universitaires, patronat, syndicat...) et préfère se jeter dans les bras des Impérialistes Financiers pour produire un Nouveau Code, qui ne peut logiquement arranger en premier lieu que les intérêts de son auteur». Pis, par delà ce mépris pour le think tank tunisien, ce code prévoit l'appropriation des terres agricoles du pays par des étrangers. C'est du moins ce qu'a laissé entendre, Ridha Saïdi, ministre conseiller auprès du Premier ministre chargé des Dossiers économiques, dans une interview accordée il y a peu à une radio privée locale. En effet, le ministre n'a pas exclu la promulgation imminente, dans le cadre de la révision du Code d'incitations à l'investissement, d'une nouvelle législation permettant aux étrangers, particulièrement des investisseurs des pays du Golfe, de s'approprier des terres agricoles, comme c'est le cas d'un pays comparable, le Maroc. Pour mémoire, l'ancien code d'incitations aux investissements stipule texto que «Les étrangers peuvent investir dans le secteur agricole dans le cadre de l'exploitation par voie de location des terres agricoles. Toutefois, ces investissements ne peuvent en aucun cas entraîner l'appropriation par les étrangers des terres agricoles». Conséquence: la déclaration de M. Saïdi constitue une évolution énorme pour un sujet auquel les Tunisiens sont particulièrement sensibles. Rappelons pour mémoire l'affaire historique du domaine Enfidha et ses conséquences sur la colonisation du pays. C'est pour dire que le sujet est fort sensible et risque d'être fatal pour ces nahdhaouis. Affaire à suivre.