Toujours est-il que, deux semaines après le passage dévastateur sur les raffineries du Golfe du Mexique de l'ouragan Katrina, Delta Air Lines et Northwest Airlines ont indiqué vendredi dernier ne plus pouvoir répondre à la hausse des cours du pétrole, et donc se sont placées sous la protection de la loi américaine sur les faillites. Cependant, on peut se demander si l'excuse est valable et si ce n'est pas la goutte qui a fait déborder le vase. Car, même si les experts de l'industrie du transport aérien admettent que l'envolée des prix du brut met sérieusement à mal l'aviation mondiale dans son ensemble, il faut également constater que la situation financière de Delta et de Northwest Airlines n'était pas enviable, avec un endettement de plus de 28,3 milliards de dollars. On indique par ailleurs que ces deux compagnies, qui étaient très actives dans les Etats du sud, ont vu leur trésorerie fondre comme neige au soleil à mesure que le prix du kérosène s'envolait. En tout cas, ces deux dépôts de bilan illustrent une profonde crise que traversent les transporteurs aériens, en particulier américains, puisque, comme l'explique l'observateur Pierre Condom, «là-bas, les compagnies ne peuvent pas facilement répercuter la hausse du pétrole. Au contraire des majors européens, qui reportent cette augmentation sur les billets d'avion». La faute aux low costs ? Cependant, concernant le secteur de l'aviation, il faut noter que la concurrence des low costs que les grands du secteur ont largement sous-estimée a joué un rôle important. En fait, le problème a débuté après le 11 septembre 2001. Ainsi, en pleine tourmente, l'aviation mondiale tentait alors de trouver un moyen de remonter la pente. Très agressives dans leur stratégie, les low costs cassent les prix et allègent leur structure. «Delta, Northwest et les autres n'ont pas réagi. Elles ont parié sur une baisse des cours du pétrole et sur un rétablissement naturel de la situation économique», explique Jon Ash, consultant aéronautique. Un pari qui s'est finalement avéré mauvais, puisque, aujourd'hui, les quatre plus grandes compagnies américaines qui détiennent 40% du marché local- se trouvent dans cette situation critique, avec un total en pertes accumulées atteignant plus de 30 milliards de dollars. Les compagnies européennes à l'abri Pour leur part, les transporteurs européens semblent, pour l'heure, éviter cette mauvaise passe, en ayant procédé à des réformes structurelles. A cet effet, Pierre Condom note qu'«en Europe, le secteur a subi ces dernières années de nombreuses fusions. Aujourd'hui, 4 grandes compagnies ont émergé -Air France, British Airways, Lufthansa et Iberia- et s'en sortent plutôt bien. Reste que la plupart d'entre elles perdent de l'argent sur leur marché domestique». Une perte que ces entreprises parviennent à combler en gagnant des parts de marché sur les vols internationaux. «C'est là toute la différence avec les Etats-Unis, éclaire le spécialiste. Les compagnies américaines sont beaucoup plus actives sur leur marché intérieur. La concurrence est d'autant plus féroce».