«Ce qui devait être la dernière réunion préparatoire du Sommet mondial de Tunis sur la société de l'information s'achève sur un constat d'échec... «Les négociations de ces dix derniers jours n'ont pas été aussi fructueuses que je l'avais espéré», confie à Swissinfo Marc Furrer, président de la Commission fédérale de la communication et chef de la délégation suisse au Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI). C'est ce qu'on peut lire sur le journal helvétique en ligne pour résumer la situation à la fin des travaux du troisième Prepcom de Genève. Un constat d'échec à l'opposé de celui prononcé par le Secrétaire général de l'UIT, M. Utsumi, qui se félicite lui des résultats obtenus, tout en appelant à redoubler d'efforts: "Nous n'avons pas le droit à l'échec", dit-il. La troisième réunion du Comité de préparation (PrepCom-3) de la phase de Tunis du Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI) s'est achevée le 30 septembre, à 21 heures, après deux semaines de séances de jour et de séances de nuit épuisantes, qui ont abouti à un accord sur de larges parties du document du Sommet, dont certaines représentent une évolution importante de l'approche qui est celle de la communauté internationale en ce qui concerne la gouvernance de l'Internet. Par contre, les progrès, quant à un certain nombre de questions controversées, ont finalement été décevants. Alors qu'il ne reste que six semaines avant l'ouverture du Sommet à Tunis, M. Yoshio Utsumi, Secrétaire général de l'UIT et Secrétaire général du SMSI, a exhorté les délégués à s'employer de tout coeur à parvenir à des solutions consensuelles propres à garantir un document final crédible qui servira d'instrument efficace pour promouvoir le développement des TIC et l'accès à ces technologies dans le monde entier. S'exprimant après la clôture de la dernière séance plénière du PrepCom-3, M. Utsumi a reconnu le dur travail accompli par les délégués, mais il a ajouté que les efforts devaient encore se poursuivre. "Au cours de ces deux dernières semaines, nous avons observé une immense volonté politique d'élaborer un texte qui ait du sens et qui serve de base solide à la société de l'information de demain", a déclaré le Secrétaire général. "Il est vrai que certaines questions n'ont pas encore été réglées, mais cela témoigne du refus des délégués de transiger sur les principes qui sont, à leurs yeux, essentiels pour promouvoir un accès aux TIC. Un message fort, tel est le résultat auquel tous les délégués aspirent pour ce Sommet -et nous devons donc tous continuer à travailler sans relâche pour y parvenir. Si nous voulons édifier une société de l'information juste et équitable, alors ce Sommet n'a pas le droit à l'échec". Nouvelle série de réunions prévue En l'absence d'un accord sur certaines sections, peu nombreuses mais controversées, du document final du Sommet, les délégués se rassembleront de nouveau à Genève avant la phase de Tunis pour s'efforcer de résoudre certains points épineux, notamment les dispositions relatives à la mise en oeuvre et au suivi du Plan d'action du SMSI et également la formulation du "document politique" qui expose les engagements politiques des Etats Membres participants. Conformément aux procédures officielles, le PrepCom-3 sera suspendu et un Groupe de négociation intersessions à participation non limitée sera créé et placé sous la présidence de S. E. l'Ambassadeur Janis Karklins, président du PrepCom pour la phase de Tunis. Ce Groupe aura pour mandat de négocier les chapitres sur la mise en oeuvre (Chapitre 1), les mécanismes de financement (Chapitre 2) et le suivi (Chapitre 4). Il sera également chargé de finaliser la partie politique du document. Le Chapitre 3 sur la gouvernance de l'Internet sera examiné par le PrepCom-3 lorsqu'il reprendra ses débats à Tunis immédiatement avant le Sommet. Le PrepCom-3 a décidé que le Groupe de négociation du Sommet tiendra deux séances de deux ou trois jours à Genève en octobre pour conclure les négociations: la première séance sera consacrée à la finalisation du document politique et à l'adoption des éléments du Chapitre sur les mécanismes de financement restés en souffrance, tandis que la seconde sera consacrée à la recherche d'un accord sur les questions non encore résolues des Chapitres 1 et 4. Le PrepCom-3 a décidé de charger le Bureau du SMSI ou le Comité de direction de décider des lieux, dates et modalités de la reprise des travaux du PrepCom. Il a également décidé de scinder en deux le texte auquel aboutira le Sommet, à savoir un document politique et un document opérationnel. Gouvernance de l'Internet: une percée Le débat du PrepCom-3 sur la gouvernance de l'Internet a été centré sur le rapport du Groupe de travail multipartenaire sur la gouvernance de l'Internet (GTGI), créé à l'issue de la phase de Genève du SMSI et chargé d'étudier des propositions sur la gouvernance future de l'Internet et de faire des propositions en la matière. Le rapport final du groupe, publié à Genève le 18 juillet, et assorti des observations de toutes les parties prenantes, a été une source d'inspiration pour les débats de ces deux semaines. Dominé au début par des positions fortement polarisées, le PrepCom-3 a commencé lentement, puis a considérablement accéléré son rythme au cours de la seconde semaine après la présentation d'un projet de document par le président. Les délégués se sont alors attelés à la tâche: il s'agissait de conclure un accord et d'élaborer un nouveau texte sur une grande diversité de questions spam, cybercriminalité, coûts d'interconnexion, et surtout, l'élément capital, la gestion des ressources Internet essentielles comme les systèmes de noms de domaine et les systèmes d'adressage IP. De nombreuses délégations du monde en développement ont affirmé avec force qu'il était urgent de mettre en place de nouveaux mécanismes de gestion et de contrôle afin de mieux refléter la nature mondiale de l'Internet, mais d'autres délégations, avec les Etats-Unis à leur tête, ont constitué un front relativement uni favorable dans l'ensemble au maintien du statu quo. La situation a toutefois changé deux jours avant la fin du PrepCom, lorsque la délégation du Royaume Uni, prenant la parole au nom de l'Union européenne, a présenté une nouvelle proposition qui s'écartait sensiblement de sa position initiale. La proposition décrivait un nouveau cadre de coopération internationale prévoyant la création d'un nouveau forum multipartenaire qui serait chargé de définir les politiques générales et, élément extrêmement important, l'intervention des Etats au niveau international dans l'attribution des blocs d'adresses IP et dans l'élaboration des procédures de modification du fichier de la zone racine afin de pouvoir disposer de nouveaux noms de domaine de premier niveau et modifier les gestionnaires de noms de domaine de premier niveau correspondant à des codes de pays (ccTLD). Mise en oeuvre et suivi Les autres points clés de l'ordre du jour du PrepCom-3 étaient la finalisation des arrangements prévus pour le financement des engagements pris dans le cadre du Plan d'action du SMSI et la définition de mécanismes futurs pour la mise en oeuvre du Plan d'action et le suivi des résultats du Sommet. Après l'adoption du Plan par 175 pays pendant la phase de Genève du Sommet, des mesures claires fixant les responsabilités en ce qui concerne la mise en oeuvre et le suivi des objectifs du Plan d'action sont considérées comme essentielles, non seulement pour assurer le succès de la phase de Tunis mais aussi pour faire en sorte que les buts visés soient atteints. Conformément aux propositions soumises au PrepCom-3, de nombreuses délégations souscrivent à une approche multipartenaire de la coordination faisant intervenir une ou plusieurs des principales institutions spécialisées des Nations unies qui, chacune, aurait la responsabilité d'une grande orientation du Plan d'action en fonction de son domaine de compétence spécifique. D'autres délégations préféreraient que le Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies soit chargé de gérer le processus de coordination. Les négociations achoppent encore sur la question de savoir quel sera le rôle des différentes institutions spécialisées, dont l'UIT, dans les activités continues du SMSI. Les mécanismes d'établissement de rapports et la relation entre les mécanismes de suivi du SMSI et la procédure d'examen de la mise en oeuvre de la Déclaration du Millénaire des Nations unies posaient aussi problème pour certaines délégations. Mécanismes de financement des TIC La question des stratégies de financement efficaces propres à promouvoir le développement des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans des régions mal desservies du monde a été soulevée pendant la phase de Genève du SMSI. En l'absence d'un consensus sur la meilleure manière de régler le problème, les participants à la première phase du SMSI ont chargé le Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, M. Kofi Annan, de créer un Groupe d'action sur les mécanismes de financement (GAMF). Le rapport final du Groupe, présenté au PrepCom-2, a servi de base de discussion. Le PrepCom-2 a approuvé le texte du Chapitre 2 dans ses grandes lignes, un petit nombre de paragraphes seulement restant à être avalisés par le PrepCom-3. Reconnaissant le rôle fondamental qui est celui du secteur privé, le texte déjà approuvé par le PrepCom-2 appuie le ciblage des ressources financières selon un certain nombre d'orientations: - Programmes de renforcement des capacités en TIC ; - Infrastructure dorsale régionale et points d'échange Internet ; - Assistance aux pays les moins avancés et aux petits Etats insulaires en développement, afin d'abaisser les coûts de transaction en ce qui concerne l'accès à l'appui fourni par les donateurs internationaux ; - Intégration des TIC dans la mise en oeuvre des stratégies de lutte contre la pauvreté, en particulier en ce qui concerne les soins de santé, l'éducation, l'agriculture et l'environnement ; - Financement des petites, moyennes et micro-entreprises (PMME) ; - Promotion des réalisations locales de moyens TIC dans les pays en développement ; - Réforme de la réglementation dans le secteur des TIC ; - Au niveau des collectivités et des communautés, initiatives locales permettant la prestation de services TIC ; - Par ailleurs, les participants ont souligné l'importance d'une coordination intersectorielle entre toutes les parties prenantes du secteur public et du secteur privé. Engagements politiques Pour le reste, le volet politique du document de Tunis s'est avéré plus difficile à négocier que prévu. Le désaccord concernait surtout la question de savoir s'il y avait lieu de maintenir sans modification, ou de renforcer à Tunis, le texte originel de la Déclaration de Genève, puisque le premier PrepCom avait décidé de ne pas revenir sur ce qui avait été adopté à Genève. Autres questions chaudement débattues, celles des logiciels à source ouverte et propriétaires, de la liberté d'accès à l'information et du traitement des contenus préjudiciables, l'importance des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour la société de l'information, la libéralisation des échanges commerciaux et l'allègement de la dette pour réduire la fracture numérique, enfin le rôle des gouvernements dans le domaine de la réglementation. Alors que se terminait le PrepCom-3, comme il n'y avait toujours pas de consensus sur environ 50% du texte, il a été décidé que le document serait repris par le groupe de négociation. (D'après l'UIT et Swiss Infos)