A l'instar des autres secteurs, le secteur du coton africain subit la détérioration des termes de l'échange, et ce depuis quelques années. Cette fois-ci, les Africains semblent déterminés à en découdre avec les pays européens et les Etats-Unis qui, à cause des subventions qu'ils accordent à leurs agriculteurs, sont en train de tuer ceux du Sud. C'est pourquoi, dernièrement, des représentants des cotonculteurs de 12 pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre ont lancé à Ouagadougou (Burkina Faso), une pétition en faveur du coton africain. Les signatures recueillies seront présentées à la prochaine réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), prévue en décembre 2005 à Hong Kong. Cette initiative vise à dénoncer les subventions américaines et européennes. En fait, il ne s'agit d'une première, puisque certains se rappellent peut-être d'une scène émouvant qui s'était déroulée à Cancun lors d'une réunion de l'OMC en septembre 2003. En effet, le président de l'Union des producteurs de coton du Burkina Faso, François Traoré, vêtu d'un boubou en cotonnade tissée avait remis des signatures au directeur général de l'OMC L'image avait fait le tour du monde et avait fait grand effet. Les producteurs de coton réussissaient ainsi, pour la première fois, à se faire entendre dans ce forum mondial, ce qui avait permis au dossier coton de devenir une question centrale dans les négociations de l'OMC. Il faut dire que le coton africain est depuis quelques années dans l'impasse à cause de la baisse continue des cours sur le marché international ; baisse due à la surproduction qui, elle-même, est la conséquence des subventions massives accordées par les Etats-Unis et certains Etats européens à leurs cotonculteurs. Bine entendu, ces subventions, selon les pays en voie de développement, sont contraires aux règles du commerce multilatéral. Depuis 2003, les producteurs africains Bénin, Burkina, Mali et Tchad en tête ont engagé une bataille pour obtenir la suppression de ces subventions ou leur réduction. Et les chiffres sont éloquents, car, selon l'Association des producteurs de coton africains (APROCA), représentée dans 12 pays d'Afrique, plus de 10 millions de cotonculteurs africains croupissent dans la misère à cause de ces subventions dont 1% seulement pourrait sauver des millions de vies africaines. D'une année à l'autre, les pertes sont énormes pour les paysans africains. «En deux campagnes, indique François Traoré, également président de l'APROCA, la perte subie par un producteur burkinabé, par exemple, est de 35.000 francs CFA (environs 53 euros) par tonne». Cette situation a une forte incidence sur le pouvoir d'achat des producteurs qui, le plus souvent, n'ont pas d'autres ressources monétaires que le coton. Comme l'explique d'ailleurs un producteur : «Le coton, c'est comme une banque pour moi. C'est là que je peux obtenir de l'argent pour nourrir ma famille, l'habiller et envoyer les enfants à l'école. Mais actuellement, tout ça est difficile pour moi». Alors, seront-ils entendus à Hong Kong en décembre prochain ? Rien n'est moins sûr, car tout porte à croire que les Africains, une fois de plus, feront les frais de la guerre commerciale que se livrent Américains et Européens, notamment sur le dossier agricole. Cependant, mieux vaut lutter que de rester bras croisés. Dans ces conditions, ils attendent beaucoup de Hong Kong après l'échec de Cancun, et n'entendent pas relâcher la pression sur l'OMC et les pays riches. C'est pourquoi, l'idée de la pétition a été reconduite, avec cette fois-ci plus de 2 millions de signatures attendues contre 80.000 au Burkina en 2003, selon l'APROCA. Dans chaque pays, les organisations paysannes et d'autres volontaires seront chargés de la collecte des signatures. Une fois les signatures réunies, l'Association, dont le siège est situé au Mali, espère les remettre au président malien Amadou Toumani Touré en marge du Sommet franco-africain, prévu début décembre à Bamako. Ce sont les autorités maliennes qui, au nom des autres Etats africains, devraient, à leur tour, présenter ces signatures à la réunion de l'OMC. Ces signatures viendront marquer la volonté et la détermination des pays producteurs africains de coton de voir, peut-être enfin, leur problème réglé une bonne fois pour toutes.