Au cours de l'année 2005, la Tunisie a augmenté de 50% ses exportations dans son environnement immédiat africain et arabe. Un pas important sur la voie de la diversification.
* M.M. : Au cours des dernières années, l'Etat a intensifié sa politique d'appui à l'exportation. Les résultats sont-ils à la mesure des efforts fournis et des espoirs nourris ?
- M. Férid Tounsi : L'exportation est, il est utile de le rappeler, le moteur de la croissance de la Tunisie et la base de son modèle de développement. Si l'on regarde les chiffres des dernières années, nous constatons avec satisfaction que les exportations tunisiennes croissent d'une façon satisfaisante. Après une croissance de 16% en 2004, les exportations ont progressé l'année dernière de 12,9%. Ces chiffres, importants, sont révélateurs du dynamisme de l'économie tunisienne et prouvent que la production nationale de biens et de services est compétitive. Néanmoins, il y a des choses à nuancer, en ce qui concerne les résultats de 2005. Le textile, qui a juste maintenu ses résultats de 2004, commence à ressentir sérieusement les effets du démantèlement des Accords multifibres et de la concurrence asiatique. Il n'y a pas eu de croissance. Certes, on peut considérer que c'est déjà là une performance. Mais le textile représentant près de 40% des exportations tunisiennes de biens, il faut être attentif à la stagnation d'un secteur aussi important.
Bien sûr, le pays s'est organisé pour faire face à la concurrence internationale, et le maître-mot dans cette affaire est la compétitivité.
Le Cepex, qui a la charge de la promotion des exportations, contribue à leur développement. Son programme est élaboré en tenant compte des préoccupations et des demandes de l'appareil exportateur. Cette adéquation est un exercice quotidien.
*L'exportation est, d'abord, une affaire de mentalité, de culture. Les entreprises tunisiennes l'ont-elles acquise ?
- Vous avez raison : l'exportation c'est une culture. Dans ce domaine, la Tunisie est sur la bonne voie. Le fait que nous ayons 5400 entreprises exportatrices le prouve et cela est extrêmement réconfortant. Et le Cepex a de nombreux instruments de marketing, de soutien, dont certains concourent à cette culture de l'exportation. C'est le cas notamment de tout le pôle animation et formation du Cepex qui organise des séminaires de formation et d'information pour répondre aux besoins des exportateurs dans ce domaine.
Nous avons également le Fonds d'Accès aux Marchés d'Exportation (Famex), un programme initié par le gouvernement, représenté par le Ministère du Commerce et de l'Artisanat, avec le soutien de la Banque Mondiale, et qui a l'ambition de mettre à l'exportation 500 entreprises qui n'étaient pas exportatrices et d'aider à la diversification des marchés. De même, le Foprodex aide les entreprises à développer leurs outils promotionnels et à créer leurs cellules export.
* Combien d'entreprises non-exportatrices sont-elles devenues exportatrices au cours des dernières années ?
- En moyenne, 200 entreprises par an deviennent exportatrices. Le programme présidentiel pour la période 2004-2009 a fixé comme objectif d'augmenter ce nombre d'entreprises exportatrices de manière à passer de 5400 exportatrices en 2005 à 6000 en 2009.
* Malgré tous les efforts, l'objectif de la diversification des marchés reste encore à atteindre, puisque l'Europe continue d'absorber plus de 75% de nos exportations. A quoi peut-on imputer cette situation ?
- Vous avez raison : 80% de notre commerce se fait effectivement avec l'Union européenne. Cela est imputable, en premier lieu, à des raisons historiques; mais également géopolitiques. La Tunisie est au coeur de la Méditerranée et en face d'un marché qui comptait, il y a quelques années, 250 millions de consommateurs ; puis est passé successivement à 500 et à 700 millions. Donc, l'Europe est le marché naturel de la Tunisie.
Ceci dit, et en raison des défis que nous rencontrons, de la concurrence internationale de plus en plus dure, la Tunisie a pour obligation de diversifier à la fois les produits qu'elle exporte et les marchés qu'elle vise. Là aussi nous sommes sur la bonne voie.
Déjà, si nous analysons les chiffres de 2005, nous constatons que nos exportations sur les pays africains et arabes ont augmenté en moyenne de 50%, -par rapport à la base qui n'est bien sûr pas importante mais que nous essayons de développer. D'ailleurs, c'est par souci de diversification que nous avons inséré dans le programme 2006 du Cepex des actions sur la Russie, des participations à des salons professionnels dans les pays arabes, de l'Europe de l'Est et de l'Afrique.
* Quel serait à terme la répartition idéale de nos exportations entre notre principal marché, l'Union européenne, et les autres régions du monde ?
- On n'a pas fait une simulation aussi précise à ce sujet, mais depuis le Conseil ministériel restreint du 22 janvier 2005, consacré au point 4 du programme présidentiel concernant l'exportation, nous avons pour objectif de faire passer la part des marchés arabes et africains de 8 à 10% de nos échanges. Vous me diriez deux points c'est peu, mais je crois que cela marque un changement de tendance important.