« La profession est en émoi et elle est terrorisée ». C'est en ces termes qu'Ahmed Belaïfa, président de l'Ordre des experts comptables, a commenté à notre demande l'arrestation la semaine dernière de l'un de ses confrères. Le jeudi dernier vers 13h, en effet, l'ancien expert comptable du groupe Batam, a été mis en détention préventive. Une enquête judiciaire serait en cours, et cette mise en détention devrait permettre de déterminer la responsabilité de l'expert comptable dans le dossier Batam; elle serait, également, en relation directe avec ce dossier qui prendrait alors une nouvelle tournure après sa résolution financière par le mandataire judiciaire. Dans un tel cas, l'inculpation pourrait être, selon des sources professionnelles, celle de « certification de fausses informations ». L'inculpation, si elle a lieu, l'enquête judiciaire serait en cours, s'adosserait à l'article 271 du code des sociétés commerciales. L'article en question stipule en effet qu'« est puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de mille deux cents à cinq mille dinars ou de l'une de ces deux peines seulement, tout commissaire aux comptes qui aura sciemment donné ou confirmé des informations mensongères sur la situation de la société ou qui n'aura pas révélé au procureur de la république les faits délictueux dont il aura eu connaissance. Les dispositions de la loi pénale relative à la révélation du secret professionnel sont applicables aux commissaires aux comptes ». L'inquiétude des experts comptables, qu'exprimait pour nous le président de l'Ordre, trouve sa source dans le fait qu'il s'agit du second expert comptable mis en cause dans une affaire semblable. Il y a quelques temps en effet, un autre expert était condamné à deux ans de prison dans l'affaire de la Sicav BH. Ce dernier est actuellement en état de liberté après avoir fait appel. Le rôle des experts comptables, leur action et leur responsabilité, dans les sociétés commerciales, sont définies dans les articles 266 et suivants du même code. L'article 266 leur donne en effet mandat de vérifier les livres, la caisse, le portefeuille et les valeurs de la société, de contrôler la régularité et la sincérité des inventaires, ainsi que l'exactitude des informations données sur les comptes de la société dans le rapport du conseil d'administration ou du directoire, pour certifier la régularité et la sincérité des comptes annuels de la société conformément à la loi relative au système comptable des entreprises en vigueur. La loi leur accorde même l'aide de la justice pour pouvoir, le cas échéant, recueillir toutes informations utiles à l'exercice de leurs missions. L'article 270 les astreint certes au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. Il les oblige cependant à signaler à l'assemblée générale les irrégularités et les inexactitudes relevées par eux au cours de l'accomplissement de leur mission. Il les oblige même à révéler au procureur de la république les faits délictueux dont ils auraient eu connaissance sans que leur responsabilité puisse être engagée pour révélation de secret professionnel. Leur responsabilité est ainsi engagée, selon l'article 272 du code des sociétés commerciales, tant à l'égard de la société qu'à l'égard des tiers des conséquences dommageables. Elle concerne les négligences et fautes par eux commises dans l'exercice de leurs fonctions. Le même article précise cependant que les commissaires aux comptes « ne sont pas civilement responsables des infractions commises par les membres du conseil d'administration ou les membres du directoire sauf si en ayant eu connaissance, ils ne les ont pas révélés dans leur rapport à l'assemblée générale ».