On mange du couscous tous les jours. On en exporte aux trois coins du monde. Dans les guides de voyages, livres de cuisine, cuisines de nos grands-mères, et souvenirs d'enfance, le couscous nous colle au palais. Les mauvais guides touristiques racontent aux touristes déconcertés que 365 recettes de couscous différentes composent notre patrimoine couscoussier nationale. «Une recette pour chaque jour», discourent-ils souvent. Bizarrement, nos enfants connaissent de moins en moins les variétés les plus compliquées et les spécialités régionales disparaissent, un peu plus tous les jours.
Paradoxalement, des centaines de milliers de touristes repartiront sans en avoir dégusté ne serait-ce qu'une fois. Les plus chanceux, qui achètent une soirée folklorique ou une excursion, seront-ils heureux de se voir servir un couscous blanc ou légumes, en accompagnement d'une insipide escalope de dinde grillée et glacée.
Faute de ne vouloir comptabiliser tous les couscous, j'étais prête à m'embarquer dans une causerie fière et arrogante, argumentant de la finesse du grain, discourant de la délicatesse d'un couscous au coing, énumérant les innombrables variétés estivales et citant les vertus de nos couscous d'hiver.
En attendant toujours de lancer mon groupe «Pour le sandwich tunisien sans mayonnaise» sur Facebook, j'ai décidé de sillonner la ville désespérément à la recherche d'un bon couscous.
A part une exception et demie près, entendez par cela deux-trois restaurants, qui servent un couscous au poisson ou à l'agneau «plus que correct», et quelques hôtels qui exposent fièrement un buffet tunisien de façon hebdomadaire et louable, la tâche fut bien plus difficile que prévu.
Je réalise d'un coup que tout le monde cherche un bon couscous. Et moi, au lieu de trouver le couscous dans toute sa splendeur, j'ai perdu en cours de route le thé à la menthe. J'avais à peine lancé un avis de recherche pour le sandwich tunisien, qu'on flanque désormais systématiquement d'une mayonnaise indigeste, qu'il est désormais urgent de lancer un SOS Il faut sauver le soldat couscous.
Les touristes rencontrés au gré de mes «entretiens gastronomiques» se plaignent de ne pas découvrir l'authentique cuisine tunisienne et s'étonnent de mes arguments limite mensongers et somme toutes caducs et irraisonnés.
Quant aux amoureux et inconditionnels de notre pays, ils s'empressent de me demander si par hasard j'avais découvert une adresse secrète, «où l'on peut déguster un bon couscous», comme s'il fallait être dans le secret des journalistes pour y accéder.
Souvent invoqué comme la première raison qui motive un choix de destination de voyages, l'industrie du tourisme passe aussi par l'assiette. Ce n'est pas un hasard si la France et l'Italie sont les premiers pays les plus visités du monde. En Tunisie, on dénonce la cuisine approximative dans les hôtels et restaurants, alors qu'elle est l'une des plus riches et variées du Bassin méditerranéen.
Il y a vraiment de quoi, ne plus savoir à quel couscous se vouer !
Repue de couscous, je me suis mise à arpenter la ville entre bars, cafés maures et salons des hôtels de la capitale à la recherche d'un thé à la menthe.
Inlassablement et désespérément, j'ai beau chercher un beau «barred» (comprenez théière) en cuivre bien de chez nous, avec son lot de feuilles de menthe fraîche, ses petits fruits secs, son joli verre, etc. Rien. Comble de l'ironie, nous vendons même du sachet Lipton thé marocain.
En perdant tous les jours un peu plus de notre couscous, de notre thé à la menthe et de notre sandwich tunisien, c'est un bout de notre identité qui s'en va et beaucoup de parts de marché en termes de tourisme.
Car offrir du voyage, c'est un peu faire rêver et beaucoup partager son identité culturelle.