Critiqués et frappés pas la crise de la nouvelle économie, les sites américains d'information en ligne ont profité des événements du 11 septembre 2001 pour rebondir.
Malgré quelques ratés d'ordre technique, les sites d'information en ligne ont largement contribué à la couverture des attentats commis le 11 septembre 2001 contre le WorldTrade Center et le Pentagone. Telle est du moins l'opinion des spécialistes des médias que nous avons interrogés. "Je pense que les sites d'information ont atteint une certaine maturité pendant cette terrible crise", estime Howard Kurtz, journaliste en charge de la rubrique Médias au Washington Post. "Ils ont couvert l'événement avec toutes sortes de reportages, d'analyses et de commentaires, permettant également aux internautes d'intervenir."
Par le passé, les sources d'information en ligne avaient fait la différence parce que la plupart des infos étaient compliquées ou faisaient appel à de longs documents, à l'image des résultats électoraux. "Les attaques terroristes marquent une situation totalement opposée. On disposait de peu d'éléments, et les faits ont beaucoup tardé à venir. Et, quand ils étaient disponibles, la meilleure façon de les connaître était souvent de brancher la télévision", note Gabriel Snyder, chroniqueur médias au New York Observer. Pour Dan Kennedy, en charge des médias au BostonPhoenix, les médias électroniques ont joué un rôle secondaire par rapport à la télévision et aux journaux, mais il a été significatif. "Au cours des premières heures, les télés ont fait un travail important en diffusant simplement des images en direct, mais elles n'ont pas su prendre du recul et nous tenir informés en permanence sur chaque chose. Dans ces conditions, MSNBC.com et CNN.com ont été des compléments de choix pour les chaînes câblées, parce que vous pouviez consulter ce que vous vouliez lire sans attendre de mise à jour à la télé. Et, bien sûr, il y avait les sites du New York Times, du Washington Post et des autres qui mettaient en ligne des mises à jour dès qu'elles étaient disponibles", explique t il.
Quand le rythme des événements s'est ralenti, les sites d'information en ligne ont pris une importance plus grande, estime Rich Gordon, directeur du programme des nouveaux médias à l'école de journalisme Medill, de l'université Northwestern. "A partir du moment où il n'y a plus de faits nouveaux ou que ceux ci ne sont plus aussi intéressants et qu'ils interviennent de façon inattendue, la meilleure façon de rester dans le coup était de consulter, tous les matins, les sites d'information" , commente-t-il en s'appuyant sur l'immédiateté d'Internet et sur la qualité des informations demandées pour justifier l'ascendant pris par le Net sur les médias audiovisuels.
Des moyens pour explorer de nouveaux espaces
Selon lui, tous les sites qu'il a étudiés ont été à la hauteur. Mais, malgré leur avance technologique, ces sources d'information en ligne manquent encore d'un format interactif leur permettant de traiter les nouvelles de façon différente par rapport aux supports traditionnels. "je crois que les nouveaux médias devront enfin de compte créer un nouveau langage pour faire du journalisme. Ce n'est pas encore très visible et, quand ça l'est, cela ne concerne pas des événements importants car cela prend beaucoup de temps à monter, poursuit il. Nous sommes arrivés à un point, aujourd'hui, où l'on peut monter un reportage vidéo en quelques heures, mais, quand il s'agit de produire un contenu multimédia interactif, cela demande plusieurs jours. C'est là un défi auquel nous devons réfléchir."
Mais il n'y a pas que le trio composé par CNN com, MSNBC. com et NY Times. com. Howard Kurtz donne en exemple les sites d'opinion, depuis celui de la National Review jusqu'à celui de la New Republic, sans oublier les sites de journalistes indépendants comme andrewsullivan. com. "Il y avait tant à dire - des sentiments d'un pays ravagé à des analyses sur le terrorisme, en passant par les représailles possibles - que chacun a pu s'exprimer", explique-t-il. Bien que Gabriel Snyder travaille beaucoup avec les sites agrégateurs de liens comme Drudge Report, il a aussi trouvé des choses intéressantes dans les rubriques courrier des lecteurs du New York Times, dans la rubrique Explainer de Slate [le magazine en ligne créé par Microsoft] et dans l'espace vidéo de ABCNews.com. " Vous pouvez vous émerveiller devant le Net quand vous voyez la façon dont le The Wall Street journal a pu sortir le lendemain des attentats. Alors que leurs bureaux situés à quelques pas du World Trade Center avaient dû être évacués, ils ont réussi à sortir un journal avec de nombreux rédacteurs et journalistes qui ont travaillé de chez eux avec leur ordinateur portable et leur modem", estime-t-il. Pour Sreenath Sreenivasan, professeur chargé des nouveaux médias à l'école supérieure de journalisme de l'université Columbia, le traitement de l'information auquel ont procédé les sites lors des événements de New York et de Washington devrait amener les médias à reconsidérer leurs opérations sur le Net. "Alors qu'il était de bon ton, après l'éclatement de la bulle Internet, de dénigrer le journalisme en ligne, les événements ont démontré de différentes façons qu'il était indispensable d'accorder des moyens à cette forme d'information."
Jordan Raphael Paru dans CI n° 569, du 27 septembre 2003.
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