La Tunisie a été classée, récemment, par le World Economic Forum (WEF) de Genève deuxième meilleur gestionnaire mondial en matière de dépenses publiques. Ce classement a été effectué sur la base de statistiques publiées par le WEF. La Tunisie occupe la 14ème place pour la confiance du public dans les politiciens et 15ème pour la transparence de prise de décisions au niveau gouvernemental. Plusieurs indices sont pris en considération pour réaliser ces classements. Ils se rapportent au développement technologique, aux performances des institutions publiques et à la qualité de l'environnement macroéconomique. La Tunisie se distingue par sa compétitivité macroéconomique. 10.000 hommes d'affaires du monde entier ont été questionnés pour arriver à effectuer ce classement établi sur la base de 12 piliers. La Tunisie a été classée 22ème pour la qualité de ses institutions. Elle a occupé le 27ème rang pour la santé et l'enseignement primaire, l'enseignement supérieur et la formation et elle recule de trois points quant à l'efficience des marché publics. Le pays est classé 52e, en matière d'aptitude technologique. Un autre son de cloche La Tunisie n'est pas toujours la meilleure élève même si, par rapport à ses voisins, elle serait la moins à blâmer. On pourrait aussi lui accorder le bénéfice du doute et parier sur le fait qu'elle s'est améliorée depuis sa dernière notation par Transparency International. Classée 52ème en 2006, 61ème en 2007 et 62ème en 2008 avec une note globale de 4,4 sur 10 selon l'Indice de Perception de la Corruption mis en place par l'Organisation, elle était quelque peu désavantagée. D'après les critères de Transparency International qui évaluent la perception du niveau de corruption, ses administrations publiques semblent souffrir d'une mauvaise image auprès des organismes de notation. « Cette notation reflète une partie de la réalité puisque les éléments pris en compte par l'Organisation Transparency international concernent la corruption au niveau de certains fonctionnaires qui profitent de leurs positions pour exploiter des ressources publiques à des fins personnelles par le contournement de la loi » affirme Mahmoud Ben Romdhane, professeur de Sciences économiques « Il y a pire, c'est quand certains fonctionnaires utilisent les moyens mis à leur disposition par l'Etat pour se rendre complices de pratiques douteuses commises par certains individus et les aider à s'enrichir sur le dos de la communauté et aux dépends de l'économie » , renchérit-il donnant comme exemple, le commerce parallèle qui permet la mise en vente d'une multitude de produits qui ne passent pas par les voies légales, qui sont exempts des taxes, ne sont pas contrôlés par le fisc et par conséquent cassent le marché et ruinent l'économie de l'intérieur... D'où l'importance d'une politique beaucoup plus rigoureuse et de sanctions plus lourdes vis-à-vis des contrevenants. « Il faut faire la différence entre le fait de soudoyer un agent public et c'est un acte individuel et le fait de le considérer comme un critère de corruption d'une administration ou d'une classe politique. Ces pratiques font partie de l'économie illicite et parfois cela se fait au vu et au su de tout le monde comme certains cas de contrebande dans le Sud » explique Azzam Mahjoub, professeur de sciences économiques à l'université de Tunis. Ceci étant dit et toujours selon lui, les notations de Transparency international relèvent d'une perception tout à fait personnelle. Car elles se font sur la base de questionnaires envoyés par l'organisation à un certain nombre de personnes dans les pays concernés. Les jugements émis peuvent ne pas être dotés de toute l'objectivité requise « Même si leurs auteurs souhaiteraient qu'ils le soient », affirme t-il. La question qui se pose reste cependant le gap qui existe entre la notation de la Tunisie en 2006 et celles de2007 et 2008, un recul de 10 places est significatif malgré le fait que les critères de notations ne sont pas conçus dans une optique parfaitement objective. Ce qui nous pousse à nous interroger sur les raisons de cette régression bien que la Tunisie conserve la première place en Afrique. Les pays africains, rappelons le, sont parmi les plus corrompus au monde en l'absence d'institutions et de garde fous garants de la transparence économique et politique requises. « Cette situation appelle à une stratégie sérieuse dans la lutte contre la corruption » déclare M. Mahjoub, « Car son expansion risque de ruiner les acquis économiques du pays ». « Aussi bien dans les pays riches que dans les pays pauvres, la lutte contre la corruption exige le bon fonctionnement des institutions publiques et de la société civile. Les pays les plus pauvres sont minés par des systèmes judiciaires pourris et l'inefficacité du contrôle parlementaire. Dans les pays riches, la régulation du secteur privé est très insuffisante, que ce soit en termes de lutte contre la corruption des agents publics étrangers ou de contrôle des institutions financières et des opérations commerciales », affirme t-on à Transparency International. La Tunisie bien notée par la Banque mondiale La Tunisie a toujours été considérée comme une bonne élève par la Banque Mondiale, qui dans un rapport établi en 2007, sur le renforcement envers la gouvernance et la lutte contre la corruption, a établi que la corruption n'est pas un phénomène en Tunisie. « Elle ne se produit que dans certains cas en tant qu'exception ». Selon les experts de la banque mondiale, le système judiciaire tunisien fonctionne correctement tout comme le système de passation des marchés. Sans oublier les mesures préventives mises en place dans toutes les agences gouvernementales pour limiter la corruption et une législation qui sanctionne tous types de corruptions actives et passives. La corruption peut, de manière conservatrice, être estimée à cinq pour mille. Sauf que, toujours selon la B.M, la bureaucratie et certains cas de corruption incitent les entreprises tunisiennes à réorienter totalement leurs entreprises à l'exportation d'autant plus que lorsque l'on examine le coût d'opportunité de l'investissement, il ne faut pas seulement tenir compte des investissements qui sortent du pays, mais également des investisseurs potentiels qui ont envisagé de s'installer dans le pays et qui ont changé d'avis après. Ce qui appelle à plus de vigilance à ce niveau par les autorités publiques. La gouvernance étant très importante pour l'investissement, les investisseurs recherchant des conditions telles que la législation, les individus, les garanties et un environnement compétitif, l'administration tunisienne a bien ancré ces principes mais elle doit assurer un suivi de prés pour leur application. Dans ses efforts pour lutter contre la corruption, le gouvernement tunisien a adopté en 2005 une loi appelant à l'égalité entre les entreprises cotées en bourse et les autres, en termes de rapports financiers, d'adoption de mesures de transparence et de divulgation des informations. D'autre part, le ministère du Commerce et les autorités de contrôle financier surveillent les fraudes financières et autres mauvaises pratiques. Quant au ministère de l'Intérieur, il dispose d'une unité spéciale chargée de poursuivre les délits économiques appelée « Brigade économique ». Dans tous les pays, des organismes de contrôle puissants, un cadre légal plus rigoureux et des règles claires et précises seraient de nature à faire reculer la corruption. Dans le rapport de Transparency International, La Tunisie conserve la première place au Maghreb, le Maroc est classée 80ème, l'Algérie 92ème, la Mauritanie 115ème et la Libye 126ème.