La mondialisation étant un phénomène durablement, pour ne pas dire définitivement, installé dans le paysage économique, le département d'études et de documentation de l'UGTT (Union général des travailleurs tunisiens) a entrepris d'en étudier une des retombées dans le monde du travail : la précarisation de l'emploi. De cette étude -menée dans le Grand Tunis par quatre experts : un juriste (Abdessalem Nssairi), un sociologie économiste (Saïd Ben Sedrine), un sociologue (Laroussi El Amri), et un spécialiste en sociologie humaine (Mongi Amami), mais dont «certaines conclusions reflètent le point de vue des auteurs et n'engagent pas forcément l'UGTT», prévient la centrale syndicale, il ressort que quatre secteurs sont caractérisés par la précarité de l'emploi : l'industrie textile, le tourisme, la santé, le secteur de l'électricité et du gaz et l'industrie des boissons. Dans l'industrie textile, de nombreuses entreprises ont recours aux contrats à durée déterminée (CDD), indique un sondage menée dans le cadre de l'étude. Mais la précarité de l'emploi dans ce secteur a deux autres causes : le transfert de la propriété et, surtout, le changement du lieu d'implantation des entreprises. Le changement de propriétaire dans une entreprise s'accompagne d'une restructuration de la force de travail qui se ferait à l'insu des concernés. «Souvent, les ouvriers, qui ne suivent pas les événements et les nouvelles de leur entreprise puisqu'ils ne lisent pas le journal officiel où elles sont publiées, sont surpris par l'arrivée d'un nouveau patron et découvrent que les contrats qui les liaient à l'ancien patron sont nuls et non avenus». Un changement que les auteurs de l'étude présentent comme l'un des «attributs de l'emploi précaire puisque l'ouvrier se retrouve à la case départ et perd en particulier son ancienneté». Le transfert du lieu d'implantation d'une entreprise en est un autre. Rappelant que près de 10% des entreprises du secteur textile soit 220 sur un total de 2.168- ont changé d'adresse en 2006, l'étude souligne qu'un tel événement a pour effet, outre un problème de transport auquel le travailleur se trouve confronté, de modifier le contrat le liant à son entreprise, et pourrait surtout se traduire par une baisse passagère- de productivité qui «pourrait être un motif de licenciement» et de renouvellement du «parc humain». Selon l'étude, l'emploi précaire se trouve souvent à l'intérieur des usines, toutes les tâches liées à l'administration et à la gestion sont synonymes de stabilité. Dans le tourisme, 58% des employés des hôtels étaient, durant la saison 2006, dans une situation précaire. C'est le cas par exemple des animateurs. Etant «une donnée de base, la saisonnalité de l'activité touristique en Tunisie met l'animateur dans une position d'infériorité par rapport à son employeur» qui «en profite pour demander des prestations ne figurant pas dans le contrat légal». Le secteur de l'électricité et du gaz c'est-à-dire la STEG- compte 1000 travailleurs (sur un total de 10.400) en «régie», qui, selon l'étude, «sont privés de la couverture sociale, de l'adhésion à la CNAM, d'un salaire régulier, de retraite, de promotion, etc.». Certes, les avis de recrutement publiés généralement par la STEG en juin et juillet, pour une embauche effective en septembre- peuvent mentionner, outre la rémunération à l'heure, le bénéfice d'une couverture sociale, et l'octroi d'une tenue de travail et de moments de repos. Toutefois, ces dispositions «ne sont pas appliquées automatiquement, puisque la règle c'est le non-paiement des contributions sociales liées à l'emploi et l'exception c'est le respect des diverses lois de la sécurité sociale», souligne d'étude. Enfin, le secteur de la santé est celui où l'emploi précaire est le moins présent puisque ce phénomène ne toucherait que 10% de la force de travail. Toutefois, ce secteur se distingue des autres par une «cartographie» différente de la précarité. En effet, alors qu'ils sont les premiers à souffrir de ce phénomène dans d'autres secteurs, «les ouvriers qui assurent des tâches marginales c'est-à-dire ceux qui sont chargés du gardiennage, du nettoyage, de la cuisine, du transport des malades, etc.- jouissent d'un emploi stable, de salaires et d'une protection sociale». Alors que la précarité est, selon l'étude, le lot des bénéficiaires de contrats SIVP parmi les aide-soignants, les infirmiers, et «parfois les médecins».