Baptisé «Projet Bardo», le programme de mise à niveau du plus important Musée du pays bat son plein. Nuit et jours, les trucks, les bétonnières et des centaines d'ouvriers s'activent dans un gigantesque chantier portant sur un montant global de 18 millions de dinars. «Le projet avance dans le strict respect du contrat, et les délais sont respectés. Il s'agit tout de même de rajouter près de 8.000 m2 pour accueillir des activités pédagogiques et récréatives comme les cafés, les restaurants, les boutiques et librairies spécialisées. Il était vraiment urgent de faire de ce musée un véritable espace culturel intégré», précise Tahar Ghalia, Conservateur en chef du Musée du Bardo. En attendant de voir le résultat, les équipes en place s'activent. Le Musée vient de signer une convention de coopération entre le Musée du Louvre et le Musée du Bardo. Cet accord «scelle les relations entre les deux musées dans le domaine des échanges de personnels et de compétences, de la recherche et de la coopération (catalogue des collections lapidaires du Bardo et inventaire des uvres tunisiennes exposées ou conservées dans les différents départements) et prévoit des expositions d'uvres et des événements d'ordre culturel ainsi que le prêt de collections du Musée du Louvre». La nouvelle aile du Musée accueillera six départements qui seront dédiés à la préhistoire, à la civilisation phénico-punique, numide, islam tardive, islam, ainsi qu'à la fameuse collection sous-marine de Mahdia. Un trésor composé d'uvres d'art en provenance d'un bateau qui a coulé en 86 avant J.C et qui est composé d'environ 200.000 uvres d'art originaires d'Athènes et dont certaines sont d'authentiques chefs-d'uvre. A moyen terme, l'objectif est de dépasser le million deux-cent-mille visiteurs par an. Jusqu'à ce jour, ce sont à peine 600 mille visiteurs par an qui se rendent au Bardo pour près de sept millions de touristes. Le temps de visite qu'ils y passent est estimé à 30 minutes. Le Musée du Bardo a longtemps affiché à ce sujet, des résultats timides. «Son aura, comparativement à ce qu'il recèle comme trésors était très enrayé», confirme son Conservateur en chef, d'où le projet de sa remise à niveau. Depuis longtemps, la visite du Bardo est, en effet, incluse dans une des journées d'excursions-phares que vendent aux touristes les agences de voyage réceptives des principaux tours opérateurs étrangers dans le pays, à savoir Tunis-Carthage -Sidi Bou Said. A moyen terme, il s'agira de faire du Musée du Bardo une véritable locomotive du tourisme culturel. On pense déjà à ce somptueux espace et à son animation comme un lieu pour les expositions, l'événementiel, les ouvertures nocturnes, etc. On souhaite réactiver, autour de lui, sa célèbre «Association des Amis du Bardo» qui, a à l'époque, était composée d'illustres savants et intellectuels. Le musée pourra, si la législation est mise en place, absorber davantage de mécénat, de sponsoring, avoir plus d'autonomie et fonctionner comme une entreprise pour la mémoire et l'avenir. «Aujourd'hui, il s'agit de donner plus de visibilité au Musée. On oublie trop souvent que le Bardo n'a pas été fait d'un seul jet. Il n'a longtemps été qu'une accumulation de trouvailles d'archéologues. Pour l'histoire, il faut retenir que Kheireddine a voulu faire un musée avec les préoccupations de l'époque. C'est-à-dire, donner de la dimension à l'art musulman et par conséquent, il en a fait un musée archéo-ethnologique. Son objectif était la sauvegarde de l'artisanat. Ensuite, la Direction des antiquités faisant beaucoup de découvertes, a recentré le musée du Bardo sur l'archéologie. Depuis, on s'est rarement penché sur son devenir», résume Tahar Ghalia. Désormais, c'est chose faite. Rien n'a été omis pour repenser le musée dans sa totalité. Tous les moyens ont été mis à disposition pour répondre à un impératif : retrouver la mémoire pour l'avenir. Il s'agit, en fait, pour le conservateur et son équipe de faire prendre conscience qu'un musée n'est pas seulement un lieu où sont consignés les plus beaux résultats et créations d'un pays. Au delà de la mise en scène publique d'un patrimoine passé, un musée donne de la visibilité à ce qui fait la mémoire. L'homme est aussi et surtout histoire. La seule question qui s'est donc imposé irrémédiablement, c'est ''Quel homme veut-on promouvoir quand on crée ou recrée un musée?''.