La publicité, un révélateur de l'état de la concurrence dans une économie ? Oui, selon Hassen Zargouni, qui a conceptualisé cette règle en observant le comportement des opérateurs économiques, notamment dans les quatre pays du Maghreb où Sigma Conseil est présent. Le patron de ce cabinet d'études en marketing est formel : «Il y a plusieurs indicateurs pour analyser le niveau de la concurrence dans un pays, mais c'est l'investissement publicitaire qui est infaillible». Mais le marqueur ce n'est pas seulement «l'investissement publicitaire, c'est-à-dire les budgets alloués à l'achat d'espace média, pour que les annonceurs puissent rencontrer leur clientèle», mais cet investissement rapporté au produit intérieur brut, c'est-à-dire à «la capacité d'un pays à créer des richesses». Et «plus ce rapport est fort, plus la réglementation commerciale ainsi que les échanges de biens et de services sont libéraux». De même, la présence d'acteurs économiques ayant des positions dominantes est caractéristique des pays dont le marché «manque de profondeur». Sur ce genre de marché, «on a généralement un leader distançant, et de très loin, quelques challengers», observe le président directeur général de Sigma Conseil. Qui considère que la Tunisie se trouve dans ce cas de figure, avec un investissement publicitaire plutôt faible et plusieurs secteurs d'activité dominés par une entreprise omnipotente. C'est le cas, par exemple, de l'industrie du lait avec Délice Danone, du profilé, avec Tunisie Profilés Aluminium (groupe Bayahi), de l'industrie du meuble avec Meublatex, etc., constate Hassen Zargouni. Autre indicateur significatif, «le modèle économique d'un pays, basé sur la consommation intérieure ou l'ouverture sur l'étranger». La Tunisie «n'encourage pas la consommation, même en temps de crise», analyse Hassen Zargouni. A l'inverse, au Maroc, «le pays dérégulateur par excellence, où les lois sont les plus libérales, le modèle économique est basé sur la consommation intérieure, et c'est ce qui leur a permis de tenir le coup durant la crise», estime notre interlocuteur. De ce fait, ce pays réunit toutes les conditions pour que «le marché publicitaire se développe en rapport avec la taille de l'économie». Les chiffres le démontrent, note Hassen Zargouni. Ainsi, le rapport Investissement publicitaire/PIB est de 6,3 pour mille au Maroc, contre 2,5 en Tunisie et seulement 1 en Algérie soit 12,7 euros par habitant, dans le premier, 7,1 euros, dans le second et 3,4 euros, dans le troisième- en France «qui est un pays médian en Europe», en matière d'investissement publicitaire, remarque le patron de Sigma Conseil. Et le leadership marocain dans ce domaine est un peu paradoxal, puisque le pouvoir d'achat par individu est «le plus bas du Maghreb central». Hassan Zargouni exclut un boom de l'investissement publicitaire en Tunisie, «à moins que les pouvoirs publics n'accordent une attention plus grande à l'état des marchés dits stratégiques». Ce que le PDG de Sigma Conseil appelle de ses vux. «Les pouvoirs publics devraient faire en sorte qu'il y ait 3 à 4 acteurs par marché, car il n'est pas normal de protéger un opérateur dominant».