«Nous évoluons dans un monde dans lequel il n'existe pas de place pour les entités isolées, il appartient aux pôles et aux groupements économiques. Un Maghreb uni est vital pour nos pays et nos populations», a déclaré Mohamed Ghannouchi, Premier ministre, à l'ouverture du Forum des hommes d'affaires maghrébins, lundi 10 mai au siège de la centrale patronale. Oui, il y a eu des signes positifs qu'on a vu à travers différentes rencontres ces derniers jours entre différents vis-à-vis à l'échelle maghrébine, mais ils restent en dessous des attentes et des espoirs des populations de la région, toutes catégories confondues. Les échanges commerciaux entre les pays maghrébins n'ont pas dépassé les 3%, ceux entre les pays de la communauté européenne atteignent les 70%, les échanges entre les pays de l'ASEAN sont de l'ordre de 21%, ceux d'Amérique latine 14% et ceux des pays de l'Afrique de l'Ouest 8%. Les pays maghrébins sont complémentaires, riches en ressources naturelles et humaines, ce qui est important, c'est de trouver les moyens de s'accorder sur les mécanismes et les outils qui pourraient faciliter une intégration économique de fait et non de discours. Ils sont tous embarqués sur le même bateau. A quoi cela servirait-il de naviguer à contrecourant ? «Le PIB du Maghreb ne dépasse pas les 400 milliards de $ pour une population de 90 millions d'habitants, ce qui représente 80% du PIB de la Belgique dont la population ne dépasse pas les 10 millions d'habitants. Une intégration économique dans la région lui fera gagner 3 milliards de $ en IDE et un nombre important d'emploi dans une zone où il y a 3 millions de chômeurs qui constituent 12% des actifs», a précisé M.Ghannouchi, qui a insisté sur le rôle des entreprises dans la concrétisation de l'édifice maghrébin, entreprises appelées à faire preuve de plus d'audace et éviter les attitudes passives en s'implantant et en investissant dans les pays limitrophes. «La Tunisie, qui a fixé un seuil au niveau des capitaux investis à l'international, délivre automatiquement des autorisations exceptionnelles pour les hommes d'affaires qui dépassent ce seuil et désirent s'implanter dans un pays maghrébin», a-t-il indiqué. «Ce n'est pas le fait du hasard, si nous avons choisi comme devise à ce forum "Pour une entreprise maghrébine", car l'entreprise est le moteur du développement économique et celle à même de créer l'emploi, ce qui représente le plus grand défi auquel font face les pays maghrébins», a déclaré Hédi Djilani, président de l'UTICA, qui affirmé sa profonde conviction du rôle de l'entreprise dans la création d'un édifice économique maghrébin uni et particulièrement dans une conjoncture de globalisation irréversible et de mutations économiques significatives à l'échelle planétaire. Le Maghreb suscite de plus en plus l'intérêt des grands pôles économiques comme l'Union européenne ou les Etats-Unis à travers l'initiative Eizenstat ainsi que des instances internationales telles l'ONU, la BAD ou encore la Banque islamique de développement. Cet intérêt devrait inciter les premiers concernés à s'investir plus dans la concrétisation du projet maghrébin, a déclaré Habib Ben Yahia, secrétaire général de l'Union du Maghreb arabe. Une étude réalisée par le Secrétariat a montré que l'intégration économique maghrébine fera gagner à chaque pays près de 5 milliards de $, ce qui correspond en matière d'échanges aux transactions conclues entre 2000 à 3000 PME maghrébines par an. L'augmentation des exportations pour les produits agricoles peut atteindre les 45%, ce qui correspond à 170 millions de $, ce qui représente près de 1% du PIB net agricole du Maghreb arabe. Quant au secteur électrique, il pourrait économiser près de 25% de sa production si les centrales électriques maghrébines sont intégrées. Et à supposer que la capacité de production pour les 20 prochaines années doive passer à 26 gigawatts, l'intégration permettrait d'en économiser 6,6 gigawatt... Un Maghreb uni, c'est une intégration dans tous les sens et une complémentarité à tous les niveaux, autrement, comme l'a indiqué Hédi Baccouche, ancien Premier ministre tunisien dans son intervention, l'indépendance des pays maghrébins aura un goût d'inachevé.