La culture de la qualité est une constante dans le discours que notre Big Boss nous assène à toutes les occasions. Chaque bouleversement de l'organisation de notre boîte -et nous en avons connu- est lié à un objectif qualité que le Patron annonce et que nous devons, avec la restructuration ou l'organigramme nouveau, atteindre afin d'atteindre plus de qualité et plus d'excellence. Et vogue le navire ! Jusqu'au prochain changement ! Ainsi, nous n'avons pas été étonnés outre mesure quand une note de service nous a appris que la Direction générale vient de créer un Département Qualité et qu'elle a décidé de nommer à sa tête Melle Landolsi, ingénieur dans le domaine et récemment recrutée par le Big Boss. Une réunion est organisée rapidement, le Patron officie, il présente longuement Melle Landolsi, qui siège à la tribune avec les directeurs, toute fière dans son ensemble rouge bien habillé. Le Big Boss annonce que, enfin, il a trouvé la solution pour nous amener à prendre au sérieux ces directives concernant la qualité. Melle Landolsi sera chargée de mettre en place, chez nous et dans les plus brefs délais, une certification ISO quelque chose. Tous les services seront concernés par l'ISO évidement, et nous sommes tous conviés à collaborer avec la nouvelle Melle Qualité. Le seul département non concerné est bien sûr le département financier qui, lui, est de bonne qualité puisque dirigé par le Patron lui-même. Nous avons commencé alors la mise en place du système qualité et les cycles de formation se sont multipliés ainsi qu'une foule de procédures et de paperasse qui est venue s'ajouter à ce que nous utilisions déjà. Les directeurs des départements les plus en vue, c'est-à-dire le commercial et la logistique, ont commencé à donner des signes de lassitude et les bruits ont couru plusieurs fois à propos d'une disgrâce de Melle Landolsi. La cheftaine du Département qualité prenait son travail à cur et elle a vite conquis les esprits par sa présence et son savoir-faire, surtout qu'elle a été rapidement déclassée de la catégorie «objet de désir patronal». D'ailleurs, les mauvaises langues, dans leur bulletin quotidien, ne se sont pas prises à la demoiselle qui était très correcte, il faut dire, et qui a même osé critiquer la décision d'exempter le Département financier du système qualité ! Cette rengaine du département financier a commencé a enflé dans toute la boîte. Comme quoi le Patron ne laisserait jamais quelqu'un d'autre que lui, même pas le Directeur Général, gérer nos sous ou connaître notre trésorerie. Alors comment fera-t-il, surtout que Melle Landolsi, en affirmant que le financier sera aussi soumis, tôt ou tard, aux règles de la norme qu'elle nous fera suivre, l'a un peu défié ? C'était sans compter avec toute l'expérience et l'habileté de notre Big Boss en tout ce qui concerne son «cher» Département financier. Du jour au lendemain, nos collègues du financier nous ont rejoints dans les formations et les sourires de Melle Landolsi sont devenus plus francs tout à coup. Nous avons alors appris que la mise en place du système qualité est la condition nécessaire pour obtenir une très grosse subvention de l'Etat. Et là nous avons commencé à compter l'approche de la fin de notre système dès que la subvention sera engrangée !