Longtemps actives quasi exclusivement sur le marché local, les entreprises tunisiennes s'internationalisent de plus en plus. De 9 millions de dinars en 2002, les Investissements tunisiens à l'étranger (ITE) ont, selon l'universitaire Abderrazek Zouari, plus que décuplé en près de sept ans, passant à 46 millions en 2006 à 104 millions de dinars en 2009. Mais d'après Afif Chelbi, qui intervenait lors du panel sur «l'impact de l'internationalisation des entreprises sur l'économie» qui avait inauguré les travaux de la 25ème édition des Journées de l'entreprise (10-12 décembre 2010) organisées par l'Institut arabe des chefs d'entreprise (IACE)- les statistiques au sujet des ITE sont «minorées», c'est-à-dire en deçà de la réalité. Le ministre de l'Industrie et de la Technologie (MIT) affirme qu'en tenant compte des réinvestissements opérés par les entreprises tunisiennes dans les pays d'implantation, on peut estimer le stock d'ITE à plusieurs centaines de millions de dinars. Ce qui peut être considéré comme une réelle performance, d'autant plus que ce phénomène n'a commencé à être accepté par les autorités que relativement- récemment. Cette acceptation s'étant notamment traduite par l'élaboration d'un cadre légal pour le transfert de capitaux en vue de réaliser des projets à l'étranger. D'après une étude pilotée pour le compte de l'IACE par l'universitaire Abderrazek Zouari, les ITE réalisés pour l'essentiel (84%) dans les services et le reste (16%) dans l'industrie- sont concentrés au Maghreb et en France. Mais les entrepreneurs tunisiens affichent aujourd'hui une plus grande ambition. «Il est temps pour nous de voir nos champions locaux s'implanter à l'étranger, car toutes les économies ont basé leur développement sur l'émergence de tels champions sur différents marchés», observe Chakib Nouira, président de l'IACE. Plus ambitieux, ces mêmes entrepreneurs ne semblent plus disposés à se contenter d'une acceptation à minima par les pouvoirs publics de ce jaillissement des entreprises tunisiennes à l'international. «Nous avons une multitude d'organismes d'appui aux investissements directs étrangers, mais aucun pour soutenir l'internationalisation des entreprises tunisiennes», relève en guise de suggestion, à peine voilée, Ahmed Bouzguenda, président du Comité de préparation de la 25ème édition des journées de l'entreprise. Car beaucoup d'entreprises et de groupes tunisiens voudraient certainement imiter l'exemple des Bouchamaoui qui ont probablement été les premiers ou parmi les premiers- tunisiens à avoir investi à l'étranger en 1970 en Libye, comme l'a rappelé Maher Bouchamaoui, président-directeur général d'Al Majd Holding. Mais l'internationalisation croissante des entreprises «tient-t-elle compte des priorités nationales tels la résorption du chômage et le maintien des équilibres généraux?», se demande Chakib Nouira. Autrement dit, l'investissement tunisien à l'étranger est-il en fin de compte bénéfique pour l'économie nationale? Pour le professeur Abderrazek Zouari, la réponse est indubitablement: oui. C'est pour cette raison que le groupe ayant réalisé l'étude sur l'internationalisation des entreprises tunisiennes, sous la houlette de cet universitaire, croît le moment venu de passer à la vitesse supérieure. Autrement dit, de mettre en place une véritable politique de promotion de l'investissement tunisien à l'étranger.