Portier de choc et gardien de records, l'ex-dernier rempart international Boubaker Zitouni a, durant sa riche carrière, gardé les cages du Club Africain inviolées durant 1.004 minutes (un record du genre). Entraîneur des gardiens de but du CA, il nous parle de son expérience et des ajustements à apporter pour produire de nouveaux grands portiers. A la question relative à l'expérience d'un ex-gardien pour devenir à terme un bon entraîneur de gardiens, Boubaker Zitouni partage cet avis mais pense aussi que le côté relationnel, la communication interactive et permanente, ainsi que le fait de tisser des liens d'amitié avec ses poulains constituent une donne importance, autant que la répétition du juste exercice à l'entraînement: «Plusieurs facteurs doivent être pris en compte. Tout d'abord, l'environnement et l'aire de jeu. Avant, les gardiens s'entraînaient derrière les cages quand le groupe vaquait aux occupations d'exercices spécifiques sur le terrain. Ce n'est plus possible désormais. Le gardien doit avoir ses repères sur le rectangle vert. Un matériel spécifique doit aussi être mis à la disposition des entraîneurs de gardiens pour accomplir leur travail dans de bonnes conditions, en plus de l'environnement naturel qui va avec ». «L'aptitude physique!» « Entraîneur de gardiens est une fonction à part entière. Ce technicien doit avant tout être apte physiquement car il participe activement aux exercices qu'il prodigue à ses protégés. C'est un métier éprouvant sur le plan physique. L'une des priorités qu'inculque un entraîneur de gardiens est la prise de balle. Il faut que le gardien intègre ce geste technique dès son plus jeune âge. Cela doit faire partie des gammes que "récite" un gardien avant chaque entraînement ou match». Pour se replonger dans l'histoire, le Russe Lev Yachine, surnommé «l'Araignée», a affirmé «qu'un ballon relâché est un but à moitié marqué» (comme celui encaissé par Sami Nefzi face à l'Etoile du Sahel). «C'est dire que cet exercice de maîtrise de la balle doit être répété sans cesse à l'entraînement et à l'échauffement. Il permet d'ancrer mentalement la position des mains. Le geste devient par la suite un réflexe», renchérit Boubaker Zitouni. Du point de vue théorique, il existe deux positions de mains importantes pour la prise de balle: le «losange» et le «W». Le «losange» consiste au fait de placer ses pouces et ses index de telle façon que la forme fasse penser à un losange. Le «W», à la différence du losange (ou du triangle), implique de séparer les index et de ne laisser que les pouces en opposition au ballon. Cette position est confortable pour les gardiens qui débutent. Cependant, elle implique une certaine agilité dans la prise de balle par temps de pluie. A ce propos, Boubaker Zitouni insiste particulièrement sur le mouvement des mains: «Les mains commandent. Dans toutes les préparations avant un arrêt, le gardien doit être dirigé par ses mains. Ce sont les mains qui vont au ballon. Le corps ne doit que suivre leur mouvement. Un gardien qui va vers le ballon (course ou plongeon), et ensuite ramène ses mains pour prendre le cuir, est un gardien qui a souvent un temps de retard dû à ce dernier mouvement. Ce sont bien les mains qui doivent aller vers le ballon et, par ce mouvement, entraîner le corps». Il est clair que les ficelles du «métier» de gardien de but ne peuvent être transmises par des ex-joueurs de champ! D'où le degré d'importance d'un ex-gardien chevronné qui connaisse son sujet sur le bout des doigts. Maître de ses propos, Boubaker Zitouni est le premier contrarié par la non-reconnaissance de «ce corps de métier» par la Fifa: "Être entraîneur de gardiens implique un savoir- faire qui rejaillit à terme sur toute l'équipe, vu que le poste de portier est sensible. Un gardien doit savoir diriger sa défense, donner de la voix et anticiper. En somme, le gardien dirige le jeu. Regardez Victor Valdès au Barça et vous comprendrez. Pour revenir à une approche théorique, le rôle du gardien de but moderne revêt une telle importance qu'il est indispensable de lui consacrer un entraînement particulier, donc spécifique. L'acquisition des gestes et la confiance sont des facteurs déterminants dans la réussite. Il faudra donc au jeune gardien des exercices adaptés et différents dans le but de se retrouver confronté à un grand nombre de situations de jeu. L'intérêt sera donc d'enchaîner les différents exercices, de manière à acquérir cette faculté de passer rapidement d'une situation à une autre. Par ailleurs, s'il reste un joueur à part entière, il convient de ne pas isoler le gardien du reste du groupe. Le gardien est souvent un leader d'équipe, parfois doté d'un solide caractère et doit de toute façon être solide mentalement s'il veut assumer son rôle dans l'équipe (responsabilités, commandement)". «Vitesse d'intervention, souplesse et mobilité articulaire» «Le travail spécifique doit être perçu comme un moyen de progression mais également comme une forme de (re)valorisation auprès des partenaires et c'est là que l'intervention de l'entraîneur de gardiens trouve tout son sens vu l'approche régulatrice que ce dernier prônera». Boubaker Zitouni nous donne une définition du gardien idéal, celui qui a achevé son cursus tout en étant doté d'un talent inné: «Une grande vitesse d'intervention, une excellente coordination, une grande souplesse et une certaine mobilité articulaire» (vu que 85% des buts sont marqués à l'intérieur de la surface de réparation alors qu'un but sur trois est marqué sur un centre ou un coup de pied arrêté) : «Ces éléments devront être pris en compte dans le travail à l'entraînement», affirme Boubaker Zitouni: « Sur le plan technique et tactique, et outre la prise de balle, la maîtrise des appuis, le placement et les déplacements; les plongeons, les chutes, les sorties (aériennes et au sol) et la relance (à la main et au pied) seront forcément compris dans l'agenda des entraînements spécifiques, au même titre que tout ce qui se réfère au plan athlétique tels la vitesse et la détente, la puissance (aérobie), le renforcement musculaire, la souplesse (mobilité articulaire et amplitude) et la coordination. Enfin, sur le plan mental, soit le cran, la confiance en soi, l'appropriation du travail, la prise en charge individuelle, l'influence sur les partenaires et sur le jeu de l'adversaire, l'action de l'entraîneur des gardiens doit être ciblée et régulée de manière permanente ». Poste spécifique par nature qui demande une mentalité particulière, le gardien de but se démarque souvent du groupe dans sa façon d'être et de se comporter (en bien ou en mal!). Le poste demande une attention et une vigilance de tous les instants, ainsi que des qualités de détachement et d'agressivité qu'il convient de canaliser afin de trouver un équilibre indispensable et une efficacité optimum.