Le président de la République Kaïs Saïed, visiblement en colère, a tancé les députés qui l'avaient critiqué lors de la plénière du vote de confiance au nouveau gouvernement. Il a parlé de mensonges et de traitrise. Qu'en pensent, en aval, les parties visées ? « Nombreux sont les menteurs aujourd'hui », « Certains émettent des Fatwa et des mensonges, tout droit sortis de leurs esprits malades », « Certains seraient incapables de passer les examens du primaire à cause de leur stupidité», « Leurs méthodes ne m'inspirent que du mépris », sont autant des messages incendiaires lancés par le président en s'adressant aux députés hier mercredi 2 septembre 2020, lors de la prestation de serment du gouvernement Hichem Mechichi.
La guerre entre le président de la République et les partis politiques n'a eu de cesse de s'envenimer. Ces confrontations ont commencé depuis le début des concertations sur la formation du gouvernement au moment où Kaïs Saïed a choisi d'écarter la classe politique et de charger une personnalité indépendante de prendre les rênes du gouvernement. Le chef de l'Etat a tiré à boulets rouges sur les députés l'ayant critiqué lors de la plénière consacrée au vote de confiance au gouvernement Mechichi. Sur un ton menaçant, Kaïs Saïed a profité de son discours prononcé devant les nouveaux ministres pour dire: « J'ai suivi la plénière du vote de confiance et j'ai bien entendu ceux qui ont dit la vérité et ceux qui ont menti. Nombreux sont les menteurs aujourd'hui, cependant, il y a toujours des personnes honnêtes qui ne trahissent jamais ». Rien ne passe comme inaperçu. Pourtant le président n'a pas cité les personnes concernées- d'ailleurs comme d'habitude- en dépit de l'obligation de réserve, plusieurs partis politiques ont réagi au discours. Certains ont dénoncé les menaces proliférées par le président, les considérant comme étant « infondées » et d'autres pensent que c'est légitime de répondre aux députés ayant ouvert les hostilités.
Pour Ennahdha, Kaïs Saïed décharge sa colère Le dirigeant au sein d'Ennahdha, Mouhamed Goumani a déclaré hier sur la chaîne Watania 1 que le discours de Kaïs Saïed n'était pas rassurant alors que la situation actuelle exige la stabilité politique. « Au lieu d'alerter les ministres sur les difficultés économiques et sociales, Kaïs Saïed a déchargé sa colère contre les intervenants lors de la plénière du vote de confiance », a-t-il avancé, estimant que les accusations du président étaient discordantes et sans aucun fondement.
Qalb Tounes appelle à révéler les vérités Le député de Qalb Tounes, Yadh Elloumi a, de son côté, indiqué que le président continue à faire montre d'« hystérie » soulignant qu'il avait prononcé un discours « irresponsable » et qu'il voulait s'approprier des prérogatives qui ne sont pas les siennes. « Je ne comprends pas à qui s'adresse-t-il en disant : « s'il retourne à l'école, il sera viré à cause de sa stupidité ». Mais, il est clair que le président n'a pas compris le message des députés et qu'il n'a pas le droit de s'approprier le pouvoir législatif », s'est interrogé M. Elloumi hier sur Watania 1. Le député a ainsi appelé le président à dévoiler les vérités qu'il connaît pour rétablir la stabilité politique dont le pays a besoin.
Echaâb : Le président visé par des attaques injustifiées Pour sa part, le secrétaire général du Mouvement Echaâb, Zouhaier Maghzaoui a affirmé que le président de la République avait répondu aux attaques qu'il subit, estimant que les attaques lancées par les députés lors de la plénière sont « injustifiées ». « Le président du Parlement veut s'accaparer des prérogatives qui ne sont pas les siennes. C'est pourquoi d'ailleurs nous avons déposé une motion de censure contre Ghannouchi », a-t-il ajouté.
Al Karama accuse le chef de l'Etat d'espionnage Le chef du bloc d'Al Karama à l'ARP, Seif Eddine Makhlouf a dénoncé le discours du président critiquant le fait de « menacer les députés qui disposent d'une immunité parlementaire ». Le député Al Karama a par ailleurs accusé Kaïs Saïed d'espionner le Parlement en utilisant les dispositifs de l'Etat, ajoutant qu'il adopte une seule et unique interprétation de la Constitution.
Nidaa Tounes : Le discours de Kaïs Saïed est inquiétant L'ancien dirigeant et porte-parole de Nidaa Tounes, Mongi Harbaoui, quant à lui, a qualifié le discours du président d'« inquiétant ». « Kaïs Saïed a évoqué des dossiers dangereux qui ne sauraient être tolérés à savoir la trahison, les violations et l'espionnage », a mis en garde M. Harbaoui dans un statut publié hier sur sa page officielle.
« Viendra le jour où je raconterai toutes les trahisons et les promesses mensongères», dixit le président de la Répulique. Si Kaïs Saïed estime que certains partis politiques ont trahi la nation, qu'attend-il pour les démasquer ? A quoi servent ces messages incendiaires si l'obligation de réserve l'entrave de citer des noms ?