Les chiffres s'affolent en Tunisie. Le nombre de contaminations au Covid-19 ne cesse de grimper et tous les intervenants du secteur de la santé tirent la sonnette d'alarme. Par manque de conscience citoyenne que tout le monde déplore, même ceux qui en manquent aussi, par un laxisme des autorités, que beaucoup ont observé et par manque de mesures radicales auxquelles ont appelé de nombreux observateurs, la Tunisie a franchi la barre des 20 000 contaminés et a enregistré, en l'espace de deux jours, 45 décès. Le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, s'est adressé hier aux Tunisiens, pour annoncer des mesures « sévères » qui étaient attendues de tous. Mesures qui au final n'ont pas du tout fait l'unanimité… A 21h30, hier soir, le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, a mis fin à une attente insoutenable. Il a annoncé, dans un discours enregistré, des mesures visant à endiguer la progression fulgurante du Covid-19 dans le pays. Mesures attendues avec impatience et qu'on disait très strictes.
Hichem Mechichi, qui a affirmé être conscient de la gravité de la situation « sans pour autant céder à la psychose », a énuméré les mesures suivantes :
- Obligation du port du masque dans les transports et les espaces publics -Interdiction de tous les rassemblements quelle que soit leur nature, sportifs, culturels, politiques, scientifiques ou festifs -Application des mesures dans les espaces scolaires et commerciaux et infliger des sanctions sévères aux contrevenants -Appliquer le système de la séance unique et le travail par équipes et réduire les horaires dans l'administration publique. Les agents assureront des séances uniques de 5h en alternance du lundi au vendredi réparties comme suit dans une première séance de 8h30 à 13h30 et une deuxième séance de 12h30 à 17h30.
-Dans les régions qui connaissent une forte progression du nombre de cas, un confinement sera observé, en plus du couvre-feu. Ces décisions seront prises au niveau local, par les gouverneurs. Le port du masque sera obligatoire même en extérieur et l'Etat garantit la disponibilité des denrées aux citoyens. -La prière du vendredi sera suspendue dans les régions les plus touchées -Les cours sont maintenus avec le respect strict du protocole sanitaire et des contrôles intensifiés Hichem Mechichi a également souligné que d'ici fin octobre et début novembre, les capacités d'accueil dans les hôpitaux et les cliniques seront augmentées pour atteindre 1200 lits oxygénés dans le public, 700 lits oxygénés dans le privé, 220 lits de réanimation dans le public et 220 lits réanimation dans le privé. Le chef du gouvernement a également annoncé que le Covid-19 sera considéré comme une maladie professionnelle pour les agents et les employés de la santé.
Très vite, les Tunisiens ont commencé à livrer leurs réactions sur les réseaux sociaux. Premier point soulevé : l'absence TOTALE d'une quelconque référence au secteur privé. Nombreux ont trouvé cela aberrant et inadmissible que le gouvernement ne prenne aucune mesure en faveur du secteur qui a le plus à perdre au vu du contexte sanitaire. Ni recommandations, ni promesses rassurantes, ni mesures en faveur du secteur ou de ses employés, Hichem Mechichi a zappé le privé comme si le Covid-19 ne concernait que le million d'agents du public. Beaucoup s'en sont indignés, estimant qu'il s'agit d'une bourde d'autant plus que le public ne « brille pas par la productivité » et que c'est au contraire le secteur privé qui a besoin d'être soutenu et protégé.
Certains ont aussi qualifié de « demi-mesures », celles annoncées hier. Ils ont attendu plus de fermeté, un couvre-feu généralisé et pourquoi pas la suspension des cours ou encore la reprise du télétravail quand il est possible d'y recourir. D'autres ont également trouvé étrange que le chef du gouvernement ne fasse aucun point sur la situation au niveau des structures sanitaires pour informer les Tunisiens de la réalité des choses et pour expliquer « plus concrètement » la vision du gouvernement et ses objectifs.
Beaucoup enfin ont préféré ne pas donner leur avis, estimant qu'ils n'ont rien à commenter dans la mesure où aucune vraie décision n'a été annoncée.
Face à cette « déception », des internautes et observateurs nombreux aussi ont trouvé l'allocution du chef du gouvernement « pondérée », « claire » et « responsable ». Ils ont trouvé que le chef du gouvernement a bien fait de ne pas céder au « populisme » et à la panique générale, qu'il a été « courageux » de refuser les appels au re-confinement général et de ne pas céder aux « populistes » qui réclament notamment la suspension des cours, appelant les citoyens à assumer leurs responsabilités en se conformant au protocole sanitaire.
Si les avis sont donc partagés, ils convergent souvent sur deux points : le discours était peu consistant et surtout tardif. Si c'est pour annoncer l'obligation du masque et l'interdiction des rassemblements, tous à l'exception de la prière du vendredi suspendue uniquement dans les régions les plus touchées, encore une incohérence, le chef du gouvernement avait-il besoin de tout ce temps et de toutes ces consultations ?
Rappelons encore que le ministère de la Santé a annoncé, ce matin, 2509 nouveaux cas Covid-19 et 45 décès. Le nombre de cas testés positifs au Coronavirus depuis le début de la pandémie en février grimpe ainsi à 22 230 et le nombre de décès à 321. Il est clair que l'économie du pays, déjà en crise, ne survivra pas à un second confinement général mais il faudrait aussi que les citoyens prennent conscience, tous et pas qu'une frange minime, que leur salut dépend principalement d'eux et que les actions les plus efficaces doivent être entreprises d'abord à un niveau individuel.
Pour ce qui est du secteur privé, Hichem Mechichi a certainement commis une erreur en l'omettant dans son discours. Cela en dit long, disent les concernés, sur l'importance qu'accorde le nouveau gouvrnement à ce secteur vital et productif.