La députée d'Attayar, Samia Abbou, a considéré que le mouvement Ennahdha est le premier responsable de la crise constitutionnelle. « Le parti a refusé de mettre en place la cour constitutionnelle », a affirmé la députée. « J'estime que les mesures exceptionnelles annoncées par la présidence de la République sont constitutionnelles. En l'absence de cour constitutionnelle, c'est au président de la République de veiller au respect des institutions de l'Etat et de leur continuité » a déclaré la députée sur les ondes de Jawhara FM aujourd'hui, jeudi 5 août 2021.
« Nous devons choisir entre la situation de non-droit ou l'interprétation du président de la République de l'article 80 de la Constitution. Le président n'aura pas pu maintenir l'activité parlementaire en l'état. Ceci aurait accentué encore plus la crise. Actuellement, le péril imminent qui menace l'Etat est l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP). Nous devons étudier ce qui nous a mené à cette situation, comment y remédier et quelles sont nos priorités. L'objectif est de supprimer le péril imminent », a-t-elle ajouté.
« Les députés et politiciens sont impliqués dans des crimes contre le peuple. Ils doivent être traduits devant la justice. Ils ont porté atteinte aux partis politiques qui n'ont pas commis d'infractions. Ce sont eux qui ont rompu le lien de confiance entre les citoyens et les partis. Tout parti, ayant enfreint la loi relative au financement, doit être dissous. L'Etat possède les informations relatives à ces infractions, mais les coupables bénéficient d'une protection politique », a-t-elle déclaré. Samia Abbou a, également, affirmé que la Constitution tunisienne a été élaborée par Ennahdha. Elle a, ainsi, rappelé que dans le premier brouillon de la Constitution, le président de la République était élu par le parlement et non pas par le peuple. « Le mouvement Ennahdha cherchait à mettre en place un système leur permettant de garder une emprise sur la présidence de la République en plus d'élire le chef du gouvernement. Ils ont été sanctionnés par le même stratagème qu'ils ont élaboré », a-t-elle estimé. Par ailleurs, l'élue a précisé que sa déclaration du 25 juillet a été accordée à titre personnel. « Il ne s'agissait pas de la position officielle d'Attayar et je continuerais à respecter les structures du parti auquel j'adhère », a-t-elle affirmé. Pour ce qui est du rapport de la Cour des Comptes, Samia Abbou a déclaré que ceci confirmé que le véritable coup d'Etat était la maintient d'élu et de parti dans l'Assemblée des Représentants du Peuple malgré leurs implications dans des infractions financières et électorales tels que Qalb Tounes et Ennahdha. « Ceci aurait dû conduire à la révocation des listes et des députés concernés. L'étouffement des rapports de l'inspection générale du ministère de la Justice relative à l'affaire concernant Bechir Akremi et d'autres enquêtes, selon elle, font partie de ce coup d'Etat. « Nous étions dans une situation de non-droit », a-t- elle déploré.
Par la suite, Samia Abbou a évoqué la question de la loi de relance économique. « On aurait dû le baptiser tombe de l'économie. Cette loi est une véritable catastrophe que ce soit en raison des crimes qu'il autorise mais aussi de l'image de la Tunisie vis-à-vis du FMI et autres institutions internationales. Elle profite aux trafiquants d'arme, baron de la drogue et autres mafieux en interdisant de les soumettre aux disposition de la loi contre le terrorisme et le blanchiment d'argent », a-t-elle poursuivi. « J'ai été surprise par l'annonce des mesures exceptionnelles. J'avais appelé à l'intervention du président de la République à maintes reprises jusqu'à en perdre espoir. Ceux qui évoquent l'inconstitutionnalité de cette décision devraient avoir honte. La corruption s'est propagée dans l'ensemble des ministères. Ils ont saccagé l'Etat à travers les nominations basées sur l'appartenance partisane au niveau des postes clés. Le commissariat de Sidi Hassine, par exemple, n'a pas de véhicule à sa disposition alors qu'on trouve deux ou trois véhicules au service d'un directeur général », a-t-elle critiqué. « Nous voulons la réinstauration de la dignité et de la suprématie de l'Etat et de ses institutions. Nous devons, donc, rester vigilants et garantir l'application de la loi et l'impartialité et la neutralité de la justice », a déclaré Samia Abbou.
De plus, Samia Abbou a appelé à vérifier le patrimoine et les biens des députés et des ministres. « Nous devons purifier l'ARP. Quelle est l'origine de cet enrichissement ? Rached Ghannouchi, qui n'a travaillé que pendant deux ans, mène un train de vie extravagant. En a-t-il véritablement les moyens ? », s'est-elle interrogée. Samia Abbou a, aussi, appelé à la publication des déclarations de patrimoine des députés, ministres et autres hauts fonctionnaires de l'Etat. Ainsi, la justice pourra contrôler la situation. Les médias et la société civile pourront devenir des lanceurs d'alerte, selon elle. « J'en profite pour lancer un deuxième appel à la présidence de la République afin de garantir une coordination avec l'Instance de Protection des Données Personnelles », a-t-elle ajouté.
La députée a, également, souligné l'importance d'appliquer les sanctions prévues par la loi électorale en se basant sur les rapports de la Cour des Comptes. « La loi prévoit des élections partielles dans ce cas. Personnellement, je pense qu'organiser ces élections n'est pas la véritable priorité. Nous devons, avant tout, réparer et améliorer. De nouvelles élections ou des élections partielles sans révision du système et application de la loi nous mènera à la même situation », a-t-elle insisté. Samia Abbou a expliqué que plusieurs partis politiques socio-démocrates coordonnent ensemble pour suivre l'évolution de la situation. « La vigilance et la transparence sont la clé de la réussite de cette étape », a considéré la députée.
Enfin, l'élue a considéré que le silence actuel et l'absence de réaction violente du mouvement Ennahdha traduit la puissance réelle du parti et les dégâts qu'il a subis durant les dix dernières années. « Au début, ils ont été pris au dépourvu. Si cela avait eu lieu en 2013, on aurait assisté à un autre scénario. Dans le conflit actuel, Ennahdha ne mène pas un combat identitaire. Le parti a été rattaché à des crimes, à de la corruption et à un conflit d'intérêts ».