Lorsque le doute s'installe, c'est toute la machine qui ralentit : on en vient à questionner chaque décision, chaque stratégie, à ressasser en boucle nos appréhensions. Le doute s'auto-alimente et s'amplifie tout seul: on ne sait plus comment s'y prendre, on se met à procrastiner donc à douter davantage … Sylvaine Pascual Coach professionnel
Huit semaines sont passées depuis les annonces présidentielles du 25 juillet, l'opinion est de plus en plus divisée. Bien sûr qu'au départ la majorité considérait que les mesures prises par le Président servaient à corriger le cours de la révolution pour faire sortir le pays de ses graves crises actuelles, mais aujourd'hui, deux mois presque que le pays est sans pouvoir parlementaire et sans gouvernement qui sont strictement nécessaires pour une démocratie. Quarante-cinq jours sont passés sans même une feuille de route de sortie de crise, alors que tous les pouvoirs extraordinaires sont à la main du Président seul puisqu'il a gelé les activités du Parlement et démis de leurs fonctions le chef du gouvernement et le ministre de la Défense. C'est le président seul qui se présente en sauveur de la nation et gère les affaires de l'Etat face à un système qui ne porte pas ses fruits. Quarante-cinq jours sont passés et le Président nous conseille de patienter pour "sauver la Tunisie".
Quel avenir pour la démocratie ? Le blocage du pays est devenu insoutenable, pour ces Tunisiens déjà fatigués par ces élites politiques qui se sont montrées incapables de traduire le projet révolutionnaire de 2011 en changement qui améliore la vie des gens. Aucune réaction de changement aucune nomination de chef du gouvernement, aucune feuille de route rien ne filtre à Carthage. On tente de deviner ses intentions concernant le choix du gouvernement, mais personne n'a pu percer sa pensée ni lire sur son visage, le moindre signe extérieur d'affirmation ou de négation.
Qu'est-ce cela pourrait signifier ? Populisme, voilà un mot qui nous semble familier aujourd'hui puisqu'il revient régulièrement ces dernières années pour analyser divers phénomènes politiques et électoraux. Le terme est parfois utilisé comme repoussoir et de manière disqualifiante à l'encontre d'une personnalité politique jugée démagogue ou radicale. Le populisme est également utilisé pour désigner des formations inclassables qui, ses dernières années, sont apparues partout dans le monde et qui une fois au pouvoir, appliquent de suite une politique entièrement populiste. Ce qui distingue aussi le discours populiste est son rejet du pluralisme et du principe d'alternance qui est au cœur même de l'esprit démocratique. Les populistes rejettent les intermédiaires entre eux et le peuple. Les partis et les médias forment à leurs yeux un écran qui filtre le message qui représente un danger. Il serait selon eux préférable que personne ne vienne s'interposer entre le dirigeant et le peuple. Les « partis » populistes ne sont pas comme les autres, Ils reposent souvent sur un seul personnage, le politicien populiste. La seule chose qui importe pour « fonder » un tel parti, c'est que le politicien cerne correctement l'unique et authentique volonté du peuple et la mette en application. Le populiste obtient donc sa popularité à peu de frais en critiquant l'obscur langage des hommes politiques, leur inefficacité et leur lenteur en proclamant la volonté de rendre la politique aux gens ordinaires. Monsieur le Président permettez mon devoir de parler pour vous dire que ce qu'il manque à la transition, ce n'est pas du temps comme ce que vous essayez de nous faire comprendre. Ce qu'il faut c'est tout simplement une volonté et un savoir-faire pour passer à l'action ! Aujourd'hui, et pour tout vous dire, mes compatriotes redoutent que la transition ne se prolonge inéluctablement. Le Président s'évertue à changer l'équilibre des pouvoirs et à redéfinir les règles du jeu politique afin qu'il ait le dessus sur toute autre institution, et consolider l'image d'un dirigeant fort capable de gouverner seul sans avoir besoin d'autres institutions. Cette situation a fait du Président un monarque absolu. Il est dans les nuages. Cela est certainement un indicateur pour dire qu'il est peut-être une menace pour la démocratie ? Nous pensons que cette vision installe un climat néfaste pour notre jeune démocratie, le président veut nous convaincre que tout cela est fait pour éviter le pire mais pour aller où ? Aujourd'hui, même la communauté internationale juge que pour sortir de la profonde crise sécuritaire, sociale, sanitaire et économique dans laquelle s'enfonce depuis des années notre pays, un rétablissement de l'ordre constitutionnel est indispensable. Il est temps qu'un gouvernement soit formé qu'une feuille de route soit établie. Nous croyons tous que notre pays est dans un moment particulier de son histoire et nous devons aussi en mesurer la gravité. J'ai l'impression que nous sommes en train de mourir de notre sagesse.
Monsieur le Président, Les mesures du 25 juillet 2021 constituent un tournant aussi important que celui du 14-Janvier. La Tunisie est en train d'écrire une nouvelle page de son histoire, en accueillant un changement politique substantiel, soutenu par une majorité absolue de l'opinion publique nationale. Toutefois, la concentration des pouvoirs entre les mains d'une seule personne est de nature à provoquer le retour à l'autoritarisme et ce prolongement de l'état d'exception pourrait transformer l'Etat de droit en un Etat de police.