Après son discours prononcé il y a deux jours à Sidi Bouzid, Kaïs Saïed vient enfin d'éclaircir son plan et et d'expliquer ce que ses mesures transitoires impliquent concrètement. Une accaparation de pouvoirs très larges et une suspension – presque partielle – de la constitution. Il y a deux jours et au cours d'un discours sous haute pression, prononcé à Sidi Bouzid, le président de la République Kaïs Saïed a annoncé avoir mis en place des dispositions transitoires qui permettront de conduire le pays et gérer l'action du gouvernement, jusqu'à l'élaboration d'un nouveau Code électoral, et pourquoi pas, si le peuple le veut bien, l'amendement de la Constitution. Ces dispositions transitoires s'accompagneront bien évidemment du maintien des mesures exceptionnelles. Cependant, le discours prononcé, le soir, dans une ambiance enflammée et confuse, a été perturbé par une transmission en direct pas très nette. Plusieurs Tunisiens n'ont pas saisi l'ampleur de l'annonce, ni ce qui peut en découler. Bien que le frère du président ait essayé de jouer aux décodeurs, en indiquant que les propos du président ne voulaient pas dire une suspension de la Constitution, la plupart des gens ne pouvait mesurer les prérogatives qu'allait s'accaparer le président. Cela dit, il est convient de noter que la précision faite par Naoufel Saïed n'était pas fortuite. En effet, en indiquant que le président n'allait pas suspendre la Constitution, le frère du président cherchait à couvrir la légitimité du champ d'action de son frère, puisque s'il y avait eu une annulation totale de la Constitution, tout l'après 25-juillet ne peut être assimilé qu'à un coup d'Etat.
Aujourd'hui, les dispositions transitoires ont finalement été dévoilées. Et c'est là que les Tunisiens ont pu constater l'étendue des pouvoirs et des prérogatives cumulées entre les mains d'une seule personne. Le seul, l'unique Kaïs Saïed. Ainsi, et pour ne pas annoncer ouvertement la suspension de la Constitution le préambule, le chapitre relatif aux principes généraux, ainsi que celui relatif aux droits et libertés ont été maintenus. Tout le reste prend son chemin vers Carthage. Du pouvoir exécutif au pouvoir législatif, Kaïs Saïed aura tout à gérer. Ainsi, les textes législatifs sont pris sous forme de décret-loi, ils sont promulgués par le président de la République qui ordonne leur publication au Journal officiel de la République tunisienne, et ce, après délibération du conseil des ministres. Lors de l'édiction de décrets-lois, il ne peut être porté atteinte aux acquis en matière de droits de l'Homme et de libertés garantis par le système juridique national et international.
Tous les textes seront pris sous forme de décret-loi, qu'ils soient relatifs à l'organisation de la justice et de la magistrature, à l'organisation de l'information, de la presse et de l'édition, à l'organisation des partis politiques, des syndicats, des associations, des organisations et des ordres professionnels ainsi que leur financement, à l'organisation des forces de sécurité intérieure et de la douane, à la loi électorale, aux libertés et aux droits de l'Homme, au statut personnel, ou encore au pouvoir local, et la loi organique du budget… Tous les textes seront promulgués par le président de la République sans qu'il n'y ait le moindre mécanisme de contrôle. D'ailleurs, les décrets-lois ne sont pas susceptibles de recours en annulation.
Quant à l'exercice du pouvoir exécutif, il est sans surprise, assuré, par le président de la République assisté d'un gouvernement dirigé par un chef de gouvernement. Il représente l'Etat et oriente sa politique générale et ses choix fondamentaux. Il préside le conseil des ministres et peut déléguer sa présidence au chef du gouvernement.
Les dispositions finales indiquent que le président de la République élabore les projets de révisions relatives aux réformes politiques avec l'assistance d'une commission dont l'organisation est fixée par décret présidentiel. Ces projets de révisions doivent avoir pour objet l'établissement d'un véritable régime démocratique dans lequel le peuple est effectivement le titulaire de la souveraineté et la source des pouvoirs qui les exerce à travers des représentants élus ou par voie de référendum. Ce régime repose sur la séparation des pouvoirs et l'équilibre réel entre eux, il consacre l'Etat de droit et garantit les droits et les libertés publiques et individuelles et la réalisation des objectifs de la révolution du 17 décembre 2010 relatifs au travail, à la liberté et à la dignité nationale. Ces projets de révisions sont soumis par le président de la République au référendum pour approbation.